Lu sur Le Soir d’Algérie
Quand un observateur, de culture moyenne, scrute le paysage politique algérien, à trois mois d’une échéance électorale capitale pour l’avenir du pays, il est bien obligé de constater que le processus devant y conduire a été tellement balisé qu’il ne laisse à aucune surprise l’opportunité d’en fausser la mécanique.
A moins d’un cataclysme qui emporterait tout sur son passage ainsi que cela faillit se produire le 5 octobre 1988, une probabilité qui a peu de chances de se réaliser, compte tenu de l’état des lieux actuel de la maison Algérie. Il n’y a que les naïfs ou ceux qui font semblant de l’être qui voient partout le grain de sable qui enrayera le moteur. Il apparaît, par conséquent, tout à fait superflu de recourir à des dons d’extralucide pour savoir ce qui se passera durant les trois mois qui nous séparent du 17 avril 2014, l’exercice s’avérant inutile au regard du faisceau d’indications fournies par le pouvoir d’Etat qui montre — sur un arrière-fond de suspense calculé — le sens dans lequel les choses vont devoir évoluer. Le point de départ du processus a été, en fait, donné, dès la révision constitutionnelle qui a imposé le mandat ouvert. Par la suite, l’élimination de la course de Abdelaziz Belkhadem et d’Ahmed Ouyahia, soupçonnés de vouloir parasiter le projet et de reproduire «l’impair» commis en 2004 par Ali Benflis, a fini par déminer le terrain. Indubitablement, donc, la direction politique du pays a décidé de succéder à elle-même et d’accepter, avec un parfait mouvement d’ensemble, que son chef, bien qu’amoindri, physiquement, brigue un nouveau mandat. En plus d’autres motifs inavoués, la décision est, implicitement, présentée comme obéissant à des considérations politiques, économiques et sécuritaires, intérieures et extérieures, qu’on peut décliner comme suit :
1 – L’Algérie a remporté contre le terrorisme une victoire jugée, ici et à l’étranger, comme référentielle. Néanmoins, elle demeure vigilante et prête à faire face, comme à In Amenas, à toute menace de déstabilisation qui surgirait de l’intérieur de son territoire ou de son voisinage immédiat. Ce ne serait donc pas le moment de procéder à un quelconque changement à la tête de l’Etat qui viendrait fragiliser ou rompre l’unité de rang des institutions nationales et «la cohésion sociale» obtenues à l’issue d’un long et patient travail de normalisation de l’islamisme imputé à l’action politique et diplomatique du président de la République, en exercice, bien que la corruption, la bureaucratie et les malaises sociaux, provoqués par une gouvernance médiocre, en aient altéré le résultat final. Plus fondamentalement, l’Algérie et, en premier lieu, l’establishment militaire qui constitue une pièce maîtresse du pouvoir d’Etat a tiré de prudents enseignements des développements politiques et sécuritaires nés dans le sillage des révoltes arabes de 2011- 2012 qui s’abîment dans un climat de violence dévastatrice et s’est fixé comme priorité des priorités la sauvegarde de l’Etat national et la protection de ses intérêts stratégiques primordiaux, à l’échelle régionale et internationale, ce qui se déroule en Syrie et en Egypte, deux autres Etats nationaux arabes menacés par le fondamentalisme armé, restant en point de mire. Avec une feuille de route aussi lourde, les centres de décision ont reconnu et convenu que la période ne saurait, en aucun cas, se prêter à une ouverture — contrôlée ou libre — qui donnerait du grain à moudre à des forces à l’affût du moindre appel d’air pour «désorienter» une société encore traumatisée par la décennie noire et, en même temps, aspirant à une vie decente que les chiffres du revenu per capita, récemment rendus publics, à hauteur de 5500 $, donnent pour parfaitement réalisable ;
2 – les ressources financières brassées par l’exploitation des hydrocarbures appelée à s’intensifier et à reprendre une courbe ascendante après la mise en service des gisements nouvellement découverts constituent «une chance historique» pour réformer l’économie nationale et accélérer la marche de l’Algérie vers un statut de puissance régionale émergente. Avant qu’il ne soit trop tard. Le changement de cap opéré par le gouvernement en place qui mise sur la ré-industrialisation du pays tout en maintenant à son plus haut niveau les dépenses publiques finançant la construction massive des infrastructures de base et la paix sociale, participe de la volonté d’assurer, selon les partisans de cette thèse, «la continuité dans la stabilité».
L’afflux à Alger de chefs d’Etat et de délégations étrangères de haut niveau, intéressés par les projets de développement ambitieux affichés et rassurés par les indices économiques publiés par les organismes financiers internationaux, conforte la position des défenseurs de cette option. «Pourquoi changer, dans cette atmosphère d’embellie prometteuse, une équipe qui gagne ? Et à quelle autre remettre les clefs de la maison, au cas où, pour une raison très contraignante, le carré des décideurs serait amené à envisager une passation de consignes, considérée, pour le moment, comme hasardeuse ?» est l’argument massue des défenseurs du 4e mandat qui battent, avant l’heure, une campagne électorale, sans précédent…
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