Un randonneur, guide de montagne, Hervé Gourdel, a été kidnappé, puis décapité, par un groupe armé qui se revendique désormais d’un Da‘ch de cauchemar. Son enlèvement a eu lieu au dessus de la forêt des Aït Ouavane, sous la ligne de crête, à proximité du Parc national du Djurdjura, lieu d’une étrange compétition entre le tourisme et la violence depuis les années 1930.
L’annonce de son enlèvement m’a rappelé une randonnée en montagne, dans ce même parc autour de la station touristique de Tikjda, sous les cèdres et les pins noirs de l’Atlas en 2011. Il y avait à l’époque quelque chose d’un peu osé dans cette promenade, la sensation d’être un brin aventureux, car pour beaucoup de ceux qui avait connu le parc national avant la guerre civile, l’appréhension était encore trop grande. On parlait de groupuscules terroristes encore actifs en Kabylie, et d’enlèvements crapuleux. Le weekend, quelques familles montaient à la station pour l’après-midi, mais par peur ne s’en éloignaient guère créant une zone d’étrange surpopulation au milieu des chalets ; elles se pressaient de redescendre avant la nuit. À dix pas de là, la forêt était tranquille.
L’ami qui guidait cette découverte connaissait parfaitement les lieux, et nous sommes restés dans des zones sûres. Mais il se souvenait très bien, quelques années auparavant alors qu’il randonnait sous les arbres, d’avoir trouvé un terroriste dormant roulé dans son sac de couchage, son arme à ses côtés ; il s’était alors esquivé sans bruit. Il se souvenait aussi, durant la Décennie noire que le parc avait été entièrement fermé aux touristes. Pour la randonnée, il avait fallu se rabattre sur un autre massif, mais là aussi les possibilités de marcher se réduisaient comme peau de chagrin. Le terrorisme avait cette façon de limiter l’espace des gens, de leur interdire progressivement des lieux qui étaient les leurs, lieux de vie ou de plaisir, lieux d’activités collectives et de travail.
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