Lu sur Le Temps d’Algérie
Le commandant Mohamed Moulessehoul, connu sous son nom d’auteur de Yasmina Khadra, vient d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle prochaine. Pris de court, les algériens ne doivent pas savoir comment réagir à cette annonce, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est surprenante.
C’est que dans la courte histoire des élections présidentielles sous leur forme actuelle, il n’y a pas vraiment de sujet à étonnement. Pourtant, ça aurait pu l’être.
Le pays s’installait carrément dans un autre âge politique, on découvrait une autre façon – dans ses aspects formels du moins – de faire la compétition dans le but d’accéder au pouvoir et pour tout dire, on rêvait d’une autre Algérie. Mais nos élections présidentielles ont rapidement été ramenées à l’essentiel.
Et dans l’essentiel, il n’y a de place ni aux surprises – bonnes ou mauvaises – ni aux fantaisies. La candidature à l’élection présidentielle prochaine de l’écrivain Yasmina Khadra est sûrement une surprise, mais on ne sait pas vraiment si elle est fantaisiste. Mais il se peut bien que nous faisions semblant de ne pas savoir.
Un peu par peur du nouveau, bien connu en psychologie politique. Mais est-ce qu’en l’occurrence, c’est de peur ou de vœu qu’il s’agit ?
Parce que tout compte fait, il faudra bien qu’il nous arrive quelque chose d’«extra» ordinaire un jour, non ? Tous ceux qui ont peur, ceux que la candidature de Yasmina Khadra vient d’effaroucher par exemple, ont ceci pour se rassurer : le bonhomme a annoncé ses prétentions au détour d’une rencontre régulière d’un journal.
Yasmina Khadra se trouve en Algérie dans le cadre du salon du livre ; pendant son passage au forum de Liberté, il était essentiellement question de littérature et son annonce a été faite dans la foulée d’une question qui semblait l’avoir particulièrement inspiré. A ceux qui n’y voient que fantaisie et humeur d’artiste, on doit certaines «vérités».
Yasmina Khadra aurait à un moment précis de «l’événement» abordé la question avec le plus grand sérieux du monde. Il aurait donc même expliqué pourquoi il n’a pas besoin d’être parrainé par un parti politique, et suggéré que sa renommée compensera toutes ses faiblesses dans un domaine où il n’a aucune expérience.
Dans la foulée de cette annonce, il s’est même trouvé quelques âmes généreuses pour pousser le sérieux jusqu’à une improbable analogie avec Vaclav Havel et son destin fabuleux ! Pourquoi pas, disent-ils, mi-rêveurs, mi-plaisantins ! Après tout, c’est cela, une candidature du genre de celle de Yasmina Khadra, c’est cela, la surprise et la fantaisie.
Même Gustave Flaubert est passé par là, venu dans la valise du commandant Moulessehoul pour nous rappeler que «tout ce que nous inventons est vrai» !
Et pour rassurer tout le monde, Yasmina Khadra convoque encore une belle et vieille utopie, transposée pour les besoins de la circonstance à l’Algérie.
A un moment où on ne sait plus si c’est de littérature ou de projet politique qu’il s’agit, il nous sert sur le ton de la sentence : «Il n’y a que les femmes qui peuvent sauver l’Algérie» ! De la peur, de la surprise, de la fantaisie. Il fallait bien qu’il arrive quelque chose dans un pays où il n’arrive plus rien, non ?