Revue de presse. « L’Algérie repoussante de saleté », un vrai chantier pour le droit de préemption de l’Etat

Redaction

Le droit de préemption de l’Etat est de retour cette semaine. Le premier ministre Abdelmalek Sellal a demandé à son ministre de l’industrie, Amara Benyounes, d’intervenir dans la transaction de mai dernier entre Michelin Algérie et le groupe Cevital. L’Etat pense avoir le droit de s’inviter comme acteur prioritaire dans cette transaction.

D’abord les faits : Michelin ne peut plus ou ne veut plus maintenir une activité industrielle sur le site historique de Bachdjarah, devenu petit. Pour être compétitif il faut une usine d’une autre échelle. Le manufacturier français a 600 travailleurs à indemniser. Il se retourne vers un acteur industriel privé algérien, qui accepte dans un arrangement global de les transférer vers ses propres activités pour la grande majorité d’entre eux. L’accord est « assorti » d’une augmentation du capital de Sociétié Michelin Algérie (SMA), qui fait de Cevital le détenteur de 67% du capital de SMA. Ensuite le commentaire : dans un autre pays, l’Etat réagit pour maintenir l’activité manufacturière, proposer un nouveau site d’implantation et des aides publiques pour redevenir compétitif et être au rendez vous des nouvelles demandes de marché. C’est en gros ce qui s’est passé à El Hadjar, avec Arcelor Mittal. En Algérie et dans le cas des pneumatiques industriels, le gouvernement n’a pas de réponse prête. Il n’a pas, comme à Annaba, Sider comme véhicule de la solution. Alors que doit-il faire ? Dans un autre pays, l’Etat accompagne le privé national qui prend le risque d’hériter du passif de cette activité en voie de s’arrêter. Mais à Bachdjarrah il n’y a pas que du passif. Il y a un terrain de 16 hectares en milieu quasi urbain. Le président de Cevital n’a pas manqué de franchise en annonçant en mai dernier sur l’antenne de Maghreb M qu’il comptait reverser cet espace dans des activités urbaines, car il ne se prêtait plus à la production industrielle. Au menu, un hypermarché, une université et un hôpital privés. C’est sans doute ce qui a concouru à l’entêtement du gouvernement à vouloir préempter les actifs de SMA. Il est maintenant aisé de deviner la suite. Le gouvernement va bloquer chez le notaire la transaction librement consentie entre deux parties privées. Les 600 travailleurs de SMA ne pourront aller nulle part. Ensuite, le gouvernement devra faire lui même une offre de reprise qui, techniquement est en fait une offre d’augmentation de capital, puisque c’est de cela qu’il s’agit entre Michelin et Cevital. La nouvelle transaction sera bouclée au bout de deux ou de trois ans dans le meilleur des cas. Le savoir-faire professionnel de la ressource humaine se sera dispersé au lieu d’être transféré favorablement vers d’autres projets industriels, à l’intérieur du groupe Cevital qui n’en manque pas. Il faudra ensuite, une fois récupéré le terrain de Bachdjarah, chercher un aménageur et un porteur de projet pour réaliser des équipements urbains. Cela pourrait très bien être un promoteur privé. Retour à la case de départ. Le droit de préemption, lorsqu’il est établi juridiquement n’est pas fait pour être actionné à tous les coups. Dans l’affaire Michelin, Cevital va tenter de montrer qu’il n’est pas fondé. Le bon sens, lui, plaidait pour qu’il ne soit pas actionné. Quel est l’intérêt de l’Etat dans cette affaire ? Maintenir du tissu industriel à Alger ? Il a les moyens de s’assurer que Cevital redéploie l’activité en hors-pneumatiques, en faisant des extensions sur ses sites du centre du pays. Poussée à la caricature, l’affaire Michelin Algérie, c’est Said Bouteflika qui dispute un terrain à Issad Rebrab à Bachdjarrah comme en 1962 pour un bien vacant. Sauf que dans le cas de ces français qui s’en vont, il y a le sort de 600 travailleurs qui ne repartent pas avec le propriétaire.

L’attribution provisoire des licences 3G a enfin eu lieu en octobre 2013. Elle m’offre l’occasion de rester sur le droit de préemption. Il a, dans l’affaire Djezzy, fait perdre 3 années au développement de la téléphonie mobile de la génération Data. Il fallait officiellement attendre que l’Etat s’empare de 51% de Orascom Télécom avant d’engager la soumission à la 3G. Une pure folie. Tous les spécialistes censés savaient que le nouveau propriétaire de Djezzy, le russe Vimpelcom, 7e opérateur mondial, n’allait pas céder la majorité de son affaire en Algérie en dessous du prix de marché. L’évaluation de OTA demandée par le gouvernement algérien a débouché sur une estimation proche de celle qu’avait proposé Naguib Sawiris en 2009, elle même alignée sur une offre de rachat du sud-africain MTN. En un mot, pour contenter le caprice brutal de la famille Bouteflika, remontée contre la famille Sawiris, il fallait que le Trésor algérien débourse de 3 à 4 milliards de dollars. Pour faire quoi de Djezzy ? Un concurrent semi-public à Mobilis ? Avec quel management ? La suite a montré que l’Etat algérien n’avait pas de droit de préemption qu’il pouvait faire valoir puisque le pacte des actionnaires et les statuts ne le prévoient pas. Et qu’il était un simple candidat acquéreur comme les autres. Avec tout de même en plus un pouvoir de nuisance inépuisable. Sauf devant un tribunal international. Trois années de perdues. Sans, comme toujours, qu’aucune sanction ne tombe. Il a fallu que cela devienne franchement malsain de recevoir des ministres occidentaux à Alger dans l’incapacité de lire leurs mails et de consulter le web sur leurs Smartphones, faute de 3G, pour finalement donner la main levée sur l’opération 3G. Le reste est anecdotique. Les spécialistes qui ont lu le cahier des charges et le système de notation des offres par volet technique et financier, ont donné le résultat à l’avance: Mobilis, Nedjma, Djezzy. Le toujours premier opérateur de téléphonie mobile ne devait pas prendre plus de valeur marchande en remportant autre chose que la 3e place. Au cas où l’Etat se décidait finalement à prendre le contrôle de son capital. Mais, comme pour le site de Bachdjarah de Michelin Algérie, lorsqu’on n’a pas de stratégie de valorisation, ce n’est pas bien de jouer la carte de la destruction de valeur. Même si le monde doit s’arrêter pour soi en avril 2014.
Plus de 90 touristes-pèlerins français ont visité Alger durant le grand pont de l’Aïd. Lecteurs du journal La Croix – co-organisateur du voyage – ils sont repartis heureux. L’Algérie est belle. Alger, Tipaza, Cherchell à couper le souffle. Des groupes de touristes étrangers reparaissent à nouveau depuis quelques mois dans l’espace public algérien. Pas seulement des français qui ont une histoire émotionnelle avec l’Algérie. Des anglo-saxons aussi. De plus en plus. Les autorités algériennes en charge du tourisme ne cherchent pas à débriefer les visiteurs. Pour savoir ce qu’ils ont aimé et ce qu’ils ont moins aimé. Pour construire la Destination Algérie. Alors, faisons le pour elles. Les formalités de visa sont longues, compliquées, à l’issue totalement incertaine. Le message s’adresse, là, aux Affaires Etrangères qui doivent un jour s’émanciper un peu du DRS pour le grand bien des revenus des visites touristiques qu’il est souhaitable de hisser au delà du milliard de dollars sur les cinq prochaines années. Les escortes des forces de sécurité sont incommodantes. Pour visiter les ruines romaines de Tipaza ou le musée de Cherchell, a-t-on besoin d’une cohorte de gendarmes, en 2013 ? Enfin l’Algérie enchante les visiteurs et leur donne en même temps un vrai mal au cœur. Une sexagénaire française éblouie par le mont Chenoua, sous le soleil d’Octobre, m’a demandé si le mot « protection de l’environnement » existait en arabe. L’Algérie est un gigantesque dépotoir de déchets à ciel ouvert. Les Algériens ne s’en offusquent pas encore, à la hauteur du cataclysme. Les touristes européens sont immédiatement choqués. S’ils devaient, autour d’eux, déconseiller la destination Algérie pour une seule et unique raison ce serait celle là. L’Algérie est repoussante de saleté.

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