La reconnaissance, 51 ans après, par la France des massacres de centaines d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris, a été accueillie tant par des militants anticolonialistes que d’historiens et autres responsables associatifs comme un ‘‘tournant’‘ dans la vie politique française, mais des voix continuent de relever que les faits ne sont toujours pas désignés comme crime d’Etat.
Même s’ils étaient nombreux en octobre 2012 à applaudir la déclaration du président français, François Hollande, reconnaissant ‘‘avec lucidité’‘ ces massacres, des représentants de la société civile française affirment, dans des entretiens à l’APS, qu’un an après, ‘‘on n’a pas dépassé le stade de l’aveu’‘.
Pour l’universitaire et historien Olivier Le Cour Grandmaison, si le geste du président français constitue un ‘‘tournant’‘ au regard de l’attitude ‘‘indigne’‘ des autorités françaises de droite comme de gauche qui, jusqu’en 2012, ont toujours refusé de reconnaître les faits, il n’en demeure pas moins que sa déclaration demeure ‘‘très en deçà’‘ de ce que l’on serait en droit d’attendre d’un homme qui, au cours de la campagne précédent son élection, avait adopté le slogan ‘‘Le changement, c’est maintenant’‘.
‘‘En effet, le crime n’est pas nommé de façon précise et ses responsables ne sont pas désignés’‘, a-t-il noté, expliquant que ‘‘nulle part’‘, dans la déclaration du président Hollande, il n’ait fait référence au préfet de police de Paris, Maurice Papon, de même pour l’Etat français pour le compte duquel ce préfet a agi avec l’aval du gouvernement de l’époque qui a couvert le massacre et forgé une version officielle et mensongère de ces événements.
Selon l’historien spécialiste des questions de citoyenneté, la ‘‘lucidité’‘ aurait exigé que l’on parlât de ‘‘crime d’Etat’‘ ou de ‘‘massacre d’Etat’‘ afin, a-t-il dit, de rappeler que les manifestants algériens ont été tués par des policiers français agissant sous la responsabilité de leur supérieur hiérarchique et du ministre de l’intérieur. ‘‘Très exactement ce que François Hollande, devenu président de la République, ne voulait pas ‘‘, a-t-il martelé.
Tout en concédant que les propos du président Hollande avaient constitué un ‘‘premier pas’‘, l’écrivain et militant alter mondialiste Patrick Farbiaz relève, lui aussi, que ces derniers ne qualifient pas le massacre du 17 octobre comme un crime d’Etat. ‘‘La question de l’ouverture des archives n’est toujours pas à l’ordre du jour. L’abrogation de la loi honteuse du 25 février 2005 (glorifiant la colonisation positive), non plus’‘, a-t-il signalé.
A ses yeux, la France qui a eu du ‘‘mal’‘ à qualifier la lutte pour l’indépendance de l’Algérie comme une guerre puisqu’elle l’a durant plus de 35 ans qualifié comme ‘‘des évènements’‘, n’arrive pas à faire le bilan ‘‘serein’‘ de la colonisation et surtout d’en finir avec l’idéologie coloniale.
Le président du collectif Sortir du colonialisme, Henri Pouillot, regrette, pour sa part, que le président français ait ‘‘oublié’‘ l’engagement qu’il avait pris quand il n’était que candidat à sa fonction actuelle.
‘‘Il avait signé une pétition réclamant que la France reconnaisse et condamne ce crime d’état et il était allé, en octobre 2011, déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes des massacres’‘, a-t-il rappelé, signalant que les ‘‘trois phrases laconiques’‘ de la déclaration du président français, le ‘‘mot crime n’y figure pas, pas plus que n’est définie la ‘responsabilité, ni la condamnation de ce massacre’‘‘.