Lu sur Jeune Afrique
En déplacement à Alger en début de semaine, le juge français Marc Trévidic a obtenu le feu vert des autorités algériennes pour procéder à l’autopsie des têtes des moines de Tibhirine. Il ne pourra en revanche pas mener d’auditions de témoins. L’avocat des familles des victimes, Me Patrick Baudouin, est à la fois satisfait et peu surpris par cette double décision. Interview.
L’enquête sur l’assassinat des moines de Tibhirine, en mai 1996, est désormais relancée. Après une visite – longuement attendue – à Alger, du lundi 25 au mercredi 27 novembre, le juge d’instruction français Marc Trévidic a obtenu l’accord de ses interlocuteurs algériens pour exhumer et autopsier les têtes des sept moines, enterrées dans leur monastère, près de Médéa. Les opérations se dérouleront en présence du juge d’instruction algérien en charge du dossier, et devraient se tenir fin février ou début mars.
Le magistrat français s’est en revanche vu refuser sa deuxième requête formulée dans sa commission rogatoire internationale : l’audition d’une vingtaine de témoins, pour la plupart d’ex-membres du Groupe islamique armé (GIA). Ces individus seront uniquement interrogés par la justice algérienne. Une partie d’entre eux ont d’ailleurs déjà été entendus. Lors de leur rencontre, le juge d’instruction algérien a toutefois assuré à Marc Trévidic qu’il lui transmettrait les procès-verbaux d’auditions.
Me Patrick Baudouin est l’avocat des familles des victimes. Jeune Afrique a pu l’interroger au lendemain de l’annonce du feu vert algérien pour l’autopsie.
Jeune Afrique : Quelle est votre réaction après le feu vert algérien pour l’exhumation et l’autopsie des têtes des moines de Tibhirine ?
Me Patrick Baudouin : Je suis satisfait, au nom des familles des moines et en mon nom. Nous réclamions la possibilité de pratiquer cette autopsie depuis maintenant pratiquement deux ans. Le juge Trévidic avait lui-même, au terme d’une commission rogatoire internationale, sollicité les autorités algériennes en ce sens il y a 18 mois. Donc nous attendions ça avec impatience et nous commencions à désespérer. Il faut quand même rappeler qu’aucune autopsie des têtes des moines n’a été pratiquée. C’est pourtant essentiel : dans tout assassinat, il y a en principe une autopsie. C’est une étape indispensable. Après, nous aurons des résultats ou nous n’en aurons pas, mais cela permettra de lever une hypothèque.
Pourquoi, selon vous, les autorités algériennes ont refusé la demande d’audition d’une vingtaine de témoins formulée par le juge Trévidic ?
Sur ce deuxième point, nous sommes déçus mais il n’y a pas de surprise. Pas de surprise parce que dans cette affaire des moines de Tibhirine, il y a une instruction en cours en France depuis dix ans sans coopération de la part des autorités algériennes. Il y a plutôt eu une multiplication d’obstacles : c’est l’opacité qui prime sur la transparence. Nous espérions que le juge Trévidic puisse pratiquer des auditions en présence d’un magistrat algérien, mais sans nourrir d’illusions excessives. Ce refus est dans la continuité d’une absence de coopération totale avec la justice française. Il faut aussi souligner que, de manière générale, la justice algérienne ne coopère pas avec les pays étrangers. En tout cas, aucun magistrat français, dans d’autres affaires n’a pu procéder lui-même à des actes, auditions ou investigations sur le territoire algérien. Lorsqu’il y a une telle demande, soit la justice algérienne ne fait rien, soit elle dit « nous allons procéder nous-mêmes aux actes réclamés ».
Dans tout assassinat, il y a en principe une autopsie. C’est une étape indispensable.
Quand et comment va se dérouler l’exhumation des têtes des moines à Tibhirine ?
Ce qui est prévu, c’est que l’exhumation et l’autopsie puissent avoir lieu fin février, début mars 2014. Le juge Trévidic trouvait cette date un peu lointaine mais on lui a répondu qu’au mois de janvier il faisait très froid dans la région de Tibhirine, qu’il y aurait de la neige, que l’accès serait difficile et qu’il serait dommage de prévoir une date à laquelle on ne pourrait pas se déplacer. C’est une raison admissible, il faut le dire. Il faut simplement souhaiter qu’il n’y ait pas de nouveaux atermoiements et que les dates fixées soient respectées.
Avez-vous bon espoir pour la suite de l’enquête ?
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