Le retour nécessaire à une Assemblée constituante, comme gage d’une promesse de changement effectif du système politique algérien, fait l’objet d’initiatives de certains partis. L’idée est diversement appréciée. Des partis au pouvoir — le FLN et le RND — rejettent la démarche de ceux qui soutiennent la mise en place d’une Assemblée constituante évincée en 1963.
Le vent du changement souffle sur l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Pratiquement ce sont tous les systèmes post-coloniaux qui se trouvent, depuis le début de l’année 2011, fortement contestés par les populations de la région.
Composées essentiellement de jeunes, ces sociétés exigent la mise en place, sans attendre, d’un nouvel ordre et des systèmes politiques qui divorcent avec les régimes qui ont confisqué les souverainetés populaires des dizaines d’années durant. En Tunisie puis en Egypte, cela s’est déjà réalisé.
Au Yémen et en Syrie, le changement est sûrement en voie de réalisation.
En Libye, le régime autoritaire d’El Gueddafi regimbe encore devant une opposition qui veut le déloger par la force des armes. La voix du changement s’élève aussi au Maroc, en Jordanie et même en Arabie Saoudite. L’Algérie n’est pas à l’abri.
Depuis les violentes émeutes du 5 janvier dernier, les demandes de changement se multiplient. Les propositions aussi. Elles émanent toutes de l’opposition. Malgré une différence d’approche, ces propositions s’accordent sur un point : le changement radical du système. Et dans ce sens, l’idée d’aller vers une assemblée constituante, défendue par le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, revient à nouveau sur le devant de la scène. Elle s’impose même, aujourd’hui, comme une solution à la crise politique dans laquelle patauge l’Algérie depuis l’indépendance.
Les demandes de changement se multiplient
Partagée par la majorité des partis de l’opposition – même si certains préfèrent lui donner une autre appellation –, la Constituante fait peur au pouvoir et ses formations politiques. C’est la levée de boucliers à chaque fois qu’ils entendent parler d’une Constituante. Le premier qui mène la campagne contre cette proposition est, bien sûr, le premier responsable de l’ex-parti unique, Abdelaziz Belkhadem. «Le Front de libération nationale est certes pour des changements politiques, mais contre le retour à l’Assemblée constituante, mise déjà sur pied en 1963», déclare-t-il, lors de son passage sur les ondes de la Chaîne I de la Radio nationale. «On ne peut pas revenir au point zéro, comme si l’Algérie n’a pas d’institutions», ajoute-t-il. Lui emboîtant le pas, l’autre parti de l’administration, le RND en l’occurrence, s’oppose également à cette demande. «Cette proposition efface tout ce qui a été accompli depuis l’indépendance de notre pays», estime Miloud Chorfi, chargé de communication du RND. Ce dernier ne cache pas sa préférence à des réformes émanant de l’intérieur du système. «Le RND adhère aux mesures de réforme proposées par le président de la République au profit de la pratique démocratique», précise-t-il. Pourquoi ces deux partis s’opposent-ils à la Constituante ?
La réponse est évidente. Ils sont des piliers du système actuel. Un changement serait, pour eux, synonyme de la fin de la légitimité historique que leurs responsables font valoir pour rester dans la périphérie du pouvoir. C’est leur existence en tant qu’appareils du régime qui sera menacée de disparition. «Ces partis sont des éléments essentiels du pouvoir périphérique. Ils sont instrumentalisés par le pouvoir pour freiner toute volonté de changement», analyse le politologue, Rachid Tlemçani. «Qui dit Constituante, dit la mise en place d’une nouvelle République. Celle-ci exige un changement radical du système en mettant fin au statu quo. Ces partis ont peur d’un changement radical qui est pourtant une demande de la rue en Algérie et dans les pays de la région», ajoute-t-il. Selon lui, 80% de la population algérienne sont nés après l’indépendance et n’ont rien à partager avec le système actuel. Rachid Tlemçani pense encore qu’il y a une fausse interprétation du changement radical chez le pouvoir et ses appendices. «Un changement radical ne veut pas dire un changement revanchard. Ces partis ont peur d’un changement revanchard et essayent aujourd’hui de se repositionner en plaidant pour un changement de façade», explique-t-il.