Le DRS démantelé, Bouteflika gagne sa bataille contre le DRS, les services hors jeu, le général Mehenna Djebbar limogé, le général de corps d’armée Mohamed Mediène dit Toufik sur la touche… Un polar bien algérien.
Un gros poisson pêché dans les «marais» des hauteurs d’Alger et qui a été servi comme un trophée de guerre, un coup de maître d’un Président pourtant souffrant.
Une «pêche miraculeuse» qui a fait le tour d’Algérie en un clic. Connaissant l’effet d’annonce de cette vraie fausse nouvelle en Algérie où le DRS et son chef ont pris une dimension presque mythologique, le tsunami de réactions est garanti. Le (ou les) metteur(s) en scène de ce scénario à la James Bond ont réussi un joli coup de com’.
Les Algériens, qui viennent juste de découvrir leur Président encore convalescent à la télévision, la voix quasi inaudible et le geste lent, sont subitement secoués par la violence et le fracas de ces décisions qui concernent le DRS.
UNE SOMBRE OPÉRATION DE COM’
Le message subliminal de cette opération de marketing politique de très haut vol consistait à présenter Abdelaziz Bouteflika comme le vrai «rab edzayer», c’est-à-dire plus haut que le fameux général Toufik.
Ce qui n’est pas faux d’un strict point de vue constitutionnel. Aussi fort soitil, le chef des «services» est sous l’autorité du président de la République, voire du chef d’étatmajor Ahmed Gaïd Salah.
Mais à quelques mois de l’élection présidentielle plutôt indécise, le dessein du clan présidentiel est de marquer des points pour au mieux garantir un éventuel 4e mandat, au pire s’assurer que le successeur soit issu de ses rangs pour se prémunir contre de possibles mauvaises surprises.
Sauf que les concepteurs de ce coup de poker menteur ont un peu franchi la ligne rouge. L’exploitation médiatique qui a été faite, sans doute à dessein, de cette réorganisation du DRS a sensiblement écorné son image. En filigrane des commentaires, ce service a été dépeint comme le méchant face à un Président redresseur de torts.
A tort… Question à un dinar : est-il raisonnable de jeter en pâture ses propres services secrets sur l’autel des appétits politiciens ? Abstraction faite des méfaits du DRS qui a totalement régenté la société algérienne depuis deux décennies et retardé la démocratisation du pays, il est tout de même irresponsable de le livrer comme un vulgaire appareil dont l’Algérie pourrait se passer.
BOUTEFLIKA EN REDRESSEUR DE TORTS… À TORT
C’est tout de même des services secrets du pays qu’il s’agit. Et donc de la sécurité nationale. Cela dit, en examinant les mesures prises par le président de la République d’élaguer le DRS de certaines missions qui lui étaient dévolues jusque-là, on s’aperçoit qu’il s’agit plus d’une tempête dans un verre d’eau… Ainsi, s’agissant de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) dissoute par le président de la République, il faut rappeler que c’est Bouteflika himself qui l’a créée par décret présidentiel, en 2010, au sein du DRS.
Le fait qu’elle soit dissoute ne signifie pas forcément que le DRS sera tenu loin des enquêtes sur la corruption, comme suggéré. Il faut savoir en effet que les agents du DRS ont la qualité d’officiers de police judiciaire ; ils sont donc liés de fait à la justice. «Comment alors ce département enquêtait avant la création de cette direction, il y a trois années», s’interroge une source bien informée.
Il appartient désormais aux «services compétents» de la Gendarmerie nationale et ceux de la police nationale de s’acquitter de cette tâche pour laquelle ils sont suffisamment outillés. S’agissant de la direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), placée dorénavant sous l’autorité du chef d’état-major par le Président, c’est un simple retour au bercail.
Notre source explique que cette direction, dirigée par le général-major Mehenna Djebbar, relevait historiquement du secrétariat général du MDN jusqu’en 1990, année de la création du DRS.
LE DRS, DU BOURREAU À LA VICTIME…
Son rattachement au DRS était dicté, d’après nos sources, par la «dérive sécuritaire» des années 1990. Le colonel Mediène dit Toufik fut son dernier responsable, avant qu’elle ne soit transférée, à la faveur de la réunification des services secrets, sous le sigle unique de DRS.
Nos sources précisent ainsi que la mission de la DCSA ne cadre plus avec le contexte sécuritaire actuel, qui n’a rien à voir avec la menace des années 1990.
Il serait donc plus juste de parler d’une réorganisation du DRS pour se recentrer sur son «métier» de base, qui est celui de la collecte du renseignement stratégique et de la sécurité nationale, dont la DSI dirigée par Bachir Tertag est la colonne vertébrale. Quant au général-major Mehenna Djebbar, patron de la DCSA «jusqu’à il y a six mois», limogé selon certains journaux, il hérite du poste de chef du bureau d’organisation.
Une responsabilité qui le place juste en dessous du chef du DRS puisqu’il devra coiffer «toutes les structures opérationnelles», précise une source bien informée. Pour le général Djebbar, c’est donc in fine un retour à la «maison mère», le DRS, après s’être libéré de la sécurité de l’armée confiée au général-major Lakhdar Tirèche, qui vient d’être installé dans ses nouvelles fonctions.
LE TRIO TOUFIK-TERTAG-DJEBBAR SE RECONSTITUE
Enfin, la dissolution du fameux et fumeux centre de communication et de diffusion (CCD) du DRS – dirigé durant un mois par le colonel Okba qui avait remplacé à ce poste le colonel Fawzi – est juste une bonne nouvelle pour les journaux et les journalistes.
Nos sources expliquent cette décision par «l’inutilité» d’un tel service à l’heure d’internet et des réseau sociaux, en plus du fait qu’il a «terni l’image» du DRS, réduit à distribuer la manne publicitaire à des médias clientélisés, qui plus est n’ont aucune audience.
Où est donc ce «démantèlement» du DRS et où sont ces limogeages en série de ses chefs, soufflés par le clan présidentiel et relayés par les médias périphériques pour d’insondables calculs politiques ?
S’il est connu qu’en politique, tous les coups sont permis, il ne faut pas perdre de vue que la sécurité nationale prime sur le destin de n’importe quel personnage, fut-il le président de la République. L’Algérie est un pays si fragile qu’il peut déraper au moindre coup fourré de ce genre. C’est un jeu dangereux.