Saïd Bouteflika : La disgrâce

Redaction

Président bis, vice-roi, éminence grise du clan présidentiel… le frère cadet et conseiller spécial du président de la République, Saïd Bouteflika, accumule officieusement de larges prérogatives et une influence considérable dans bien des domaines.

Il s’est progressivement bâti un pouvoir exorbitant à l’ombre de la présidence de son frère. Une omnipotence qui s’est manifestée remarquablement depuis l’hospitalisation du président Abdelaziz Bouteflika, le 27 avril dernier, au Val-de-Grâce. Le conseiller spécial nommé sur décret non publiable s’est révélé comme un personnage central dans la gestion de la maladie du Président. A partir de Paris, au chevet de son frère-Président, il est à la manoeuvre.

HAUTE MAIN SUR LES DOSSIERS

C’est lui qui a imposé le rigoureux black-out sur l’état de santé du Président. Il aurait verrouillé la communication. Il a veillé scrupuleusement à distiller des informations à dose homéopathique orchestrant dans le même temps une offensive politicomédiatique contre toutes les voix critiques et tenté de les «faire taire». Il aurait fait barrage aussi à des tentatives de montrer les images de Abdelaziz Bouteflika. Des sources assurent que le frère cadet du Président malade aurait même «dissimulé» aux plus hautes autorités du pays des informations liées à l’état de santé de son frère. C’est lui également qui aurait donné des «instructions», depuis un hôtel parisien, aux officiels algériens pour «rassurer» l’opinion publique avec des éléments de langage soigneusement repris en choeur par des relayeurs d’Alger.

«Le Président va bien et continue de suivre quotidiennement les dossiers et le fonctionnement des affaires de l’Etat», entonnent ses partisans. En faisant prévaloir l’aspect privé et familial du patient, le très spécial conseiller a gardé la haute main sur un dossier d’une extrême importance, car il engage l’avenir politique du pays. Cette centralisation de l’information et de la communication aurait agacé en haut lieu. Les agissements de Saïd Bouteflika commençaient sérieusement à «embarrasser » les décideurs, notamment des chefs militaires, alors que l’évolution de l’état de santé du Président détermine l’évolution politique du pays.

Ainsi donc, il aurait fallu attendre quarante-six jours d’hospitalisation et une gestion médiatique largement contestée pour voir de hauts responsables de l’Etat enfin se rendre pour la première fois à Paris pour rencontrer le président de la République dans les salons des Invalides. La veille du déplacement du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, accompagné du chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, un bulletin de santé avait été rendu public par deux médecins militaires accompagnant Bouteflika à Paris, affirmant que le chef de l’Etat était plus gravement malade que ce l’on faisait croire.

C’est un accident vasculaire cérébral (AVC) et non pas un accident ischémique transitoire (AIT) comme l’avait annoncé le professeur Rachid Bougherbal le jour du transfert du chef de l’Etat à Paris. Subitement, le ton change. La phrase de Sellal au sortir des Invalides «son état de santé semblait correct », n’est pas passé inaperçu. Renversement de situation ?

D’aucuns y voient une reprise en main par l’Etat du dossier de la maladie du Président, et un holà signifié au frère cadet de Bouteflika. Une mise à l’écart. La maladie du Président n’est plus une affaire familiale, mais plutôt celle de l’Etat. Serait-ce ainsi le début de la fin de ce tout-puissant conseiller qui, aux yeux de nombreux observateurs, incarnait le pouvoir de l’ombre ? Après des années de règne exponentiel, la disgrâce. Ancien agitateur syndical, Saïd Bouteflika est devenu un personnage central dans le dispositif du pouvoir à la faveur du retour de son frère aîné aux commandes du pays. Pesant dans le choix des nominations aux postes-clés dans différentes institutions de l’Etat et tissant des liens avec les milieux d’affaires et politique, il a su asseoir un pouvoir dont les frontières restent toujours indéfinies.

Son nom se retrouvera cependant cités par plusieurs cercles dans les scandales de corruption qui ont éclaté sporadiquement depuis des mois et c’est ce qui a sans doute sonné la fin d’une influence jusqu’ici décrite sans limite.

Lu sur El Watan 

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