Il ne s’appelle pas James Bond. Son nom à lui, c’est Didier Vignaud. Il est Français. Son histoire n’est pas tournée à Hollywood. Elle se déroule en Algérie. A Laghouat plus précisément, à plus de 400 km au sud d’Alger. Didier y a été mobilisé par sa société sur le chantier de construction d’une nouvelle centrale électrique à la fin avril 2014, après avoir travaillé sur un autre chantier à l’est du pays. Jusqu’au 9 novembre 2014, tout allait le plus normalement du monde. C’est le lendemain, le 10 novembre 2014, que le coup de manivelle de son épisode aussi étrange qu’intriguant est donné.
Ce jour-là, Didier a de la visite. Mais il ne s’agit point d’une visite ordinaire. Ses hôtes sont des militaires algériens. Des éléments du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). « Les militaires sont venus récupérer mon petit modèle réduit que j’utilisais pour mon loisir et prendre des photos du chantier », raconte-t-il dans des vidéos postées sur YouTube. On l’aura deviné, l’objet confisqué est un petit drone muni d’un appareil photo. « A la fin de ce petit interrogatoire, poursuit-il, ils m’ont dit qu’il n’y avait aucun problème, que je pouvais continuer mon travail normalement et que je récupérerais mon petit jouet dans quelques jours ». Mais, c’était « faux », « un mensonge ».
https://www.youtube.com/watch?v=uKxr50hP2OA
Neuf jours plus tard, soit le 19 novembre, « onze gendarmes en armes » font irruption dans le bureau de Didier. D’autres montent la garde dehors. Après « quatre heures d’interrogatoire plus perquisition de (sa) chambre et (son) bureau », les gendarmes « n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchaient ». Ses deux ordinateurs, « l’un personnel et l’autre professionnel » ainsi que son passeport sont, toutefois, saisis « sans mandat (de perquisition) ». Juste sur simple signature de décharges, « comme si, dit-il, je leur confiait tout cela ». « Ces décharges, je les ai toujours », affirme Didier qui estime avoir subi, cette fois, « un interrogatoire assez stricte, assez serré ». « Ils ne m’ont pas prévenu. Aucune sommation. Je n’en savais rien. Je n’en sais toujours rien. Ils m’ont dit qu’ils sont venus sur ordre de Monsieur le Procureur général de la République de Laghouat ». Le ressortissant français aura droit à « quatre » autres visites similaires dont la dernière interviendra le 10 janvier de l’année en cours. Les questions portent essentiellement sur les photos retrouvées dans ses ordinateurs. « Des photos du chantier; prises au sol ou avec le modèle réduit, des photos d’archéologie parce que je suis aussi archéologue bénévole, ou des photos d’avions puisque je suis spotter; fan d’aéronautique. Mais aucune photo d’avion de combat algérien », affirme-t-il. Au bout de ces auditions, Didier conclut qu’il est soupçonné d’espionnage. Or, pour lui, il est « un peu bizarre ce soupçon ». Très intriguant.
Didier Vignaud sombre dans l’angoisse lorsque d’autres employés sur le site l’approchent. « Plusieurs témoins qui ne se connaissent pas », viennent lui parler ‘séparément ». Ils lui disent qu ‘ »une personne sur le site se vantait d’avoir été l’initiatrice de cette affaire ». « Ces témoins faisaient allusion à un fait que j’aurais eu avec cette personne, que j’ai eu d’ailleurs avec elle. Un fait professionnel durant lequel je lui demandait simplement de faire son travail », témoigne-t-il. « Touchée dans son amour propre » par ce rappel à l’ordre, cette personne « n’a pas dû apprécier et aurait déclenché cette affaire ».Comment? « Puisqu’elle sait que je suis un ancien militaire français » avoue Didier tout en soulignant qu’ « il y a maintenant presque dix ans que j’ai quitté l’armée ».
https://www.youtube.com/watch?v=xZxbJZeJobU
Tout en affirmant se mettre « tout à fait au vouloir et aux exigences des autorités algériennes », l’ex-militaire français estime que sa situation est « injuste » et « inacceptable ». « Ce que je n’apprécie pas, je n’accepte pas et que je ne tolère pas, c’est qu’on me laisse moisir ici pendant 72 jours », se plaint-il dans l’une de ses vidéos. Il se révolte ainsi contre les autorités diplomatiques de son pays qui « ne prennent pas (son) cas au sérieux » en dépit de ses nombreuses sollicitations.
Contactée par nos soins, une source diplomatique française à Alger affirme cependant que les autorités de son pays « suivent de très près cette affaire » tout en se refusant à plus de détails pour ne pas interférer dans le travail « des autorités judiciaires algériennes ».