Connu pour ses grands magasins, ses terrasses et la liberté qu’il apporte aux jeunes, Sidi Yahia, un quartier «huppé» situé sur les hauteurs d’Alger, n’est toutefois pas à la hauteur de la réputation qu’on lui prête.
Il y a deux ou trois ans, pour être un jeune à la page et se construire une « notoriété » auprès de ses amis, rien de mieux que de passer la plupart de son temps dans les cafés à chicha de Sidi Yahia, mais surtout d’y faire son shopping.
Les différents looks des jeunes qui flânent dans les rues de ce quartier de la capitale sont aux antipodes de « l’Algérien lambda ». Casquette vissée sur la tête, lunette de soleil et jeans en dessous des fesses pour les « mecs », et jupes courtes, jeans moulants, beau décolleté et brushing pour les « meufs », Sidi Yahia a son code vestimentaire ! C’est devenu la destination fétiche des jeunes algérois branchés. La gente féminine peut se balader sans être importunée. Ou du moins, pas autant qu’ailleurs. Les jeunes couples affichent leur amour insouciamment et les demoiselles se font draguer élégamment. Un véritable « havre de paix » dans une Algérie marquée par l’intolérance.
Ces derniers temps, ce climat de sérénité tend à se dégrader. « Ce n’est plus ce que c’était, il y a quelques années je pouvais venir prendre mon café seule ou avec mes amies sans être dérangée, maintenant il suffit de faire deux pas pour recevoir en pleine face des commentaires machos et vulgaires », regrette Yasmine, une jeune fille de 23 ans habituée de ce quartier.
Trop beau pour durer
Image d’Epinal donc ? A regarder de plus prés, la situation est loin d’être reluisante. Les piétons n’ont plus de trottoirs. Ils envahissent la chassée, se la disputant aux automobiles. « La circulation est un perpétuel capharnaüm. La route principale, qui traverse notre quartier, est constamment saturée. Il y a des embouteillages de jour comme de nuit », regrette un habitant de Sidi Yahia.
Le cadre de vie, plutôt envié, il n y’ a pas si longtemps, tend à se dégrader à tous les niveaux. « La courtoisie des jeunes hommes a disparu. Plus de drague dans le sens noble du terme, c’est devenu du harcèlement », avoue une jeune fille, ajoutant que « les prix de tous les produits perdent la raison. Je paie plus cher mon café que mon paquet de cigarettes, est-ce que c’est normal ça ? », s’interroge-t-elle perplexe.
Les marques étrangères, qui ont, ici, pignon sur rue, en rajoutent à la notoriété du quartier. Les magasins de vêtements affichent des prix défiant l’entendement, mais cela ne dérange pas les férus de mode, les accros du fashion. Après tout, ils sont à Sidi Yahia c’est le plus important! Les restaurants n’échappent pas à la règle. La qualité et le temps d’attente ne sont jamais à la hauteur de l’addition.
Chantier à ciel ouvert
« Les travaux engagés dans ce quartier s’éternisent. Cela avec tous les inconvénients qu’ils génèrent. En hivers, ce sont des flaques d’eau et de la boue qui constituent le décor de nos routes et trottoirs. Et en été, ce sont plutôt les nuages de poussières », avoue, las, un vieil habitant du quartier. Ce chantier à ciel ouvert commence du commissariat de police jusqu’à la fin du quartier, environs un kilomètre plus bas. Des travaux contraignants pour les piétons, mais également pour les marchands qui ne cessent de se plaindre «Il est inconcevable de commencer des travaux et de les abandonner ainsi. Poussière, gadoue et nuisances perdurent et amplifient notre désarroi, générant chez nous un véritable manque à gagner», s’offusque un des commerçants, tandis qu’un jeune homme rajoute: « C’est devenu une catastrophe ! La dernière fois ma copine à failli tomber parce qu’un de ses talons à craqué en butant sur une grosse pierre. J’ai rigolé et ça m’a valu une dispute », raconte-t-il.
Plusieurs problèmes, quelques solutions
Ce quartier, tant convoité par les enseignes étrangères, est dans l’incapacité d’accueillir le grand nombre de véhicules qui y transitent, et le stationnement sombre dans l’anarchie la plus totale. Pour y remédier, la construction d’un parking à été lancée l’année passée. Un projet qui n’a pas abouti car, rappelons-le, il avait provoqué des émeutes à la cité Bois-des-Pins, dont les résidents se sont opposés à son implantation dans le seul espace vert des environs. Aux dernières nouvelles, un nouveau projet pour la réalisation d’un parking de sept étages sera lancé sur un autre site. Mais paradoxalement, il viendra également apporter son lot de désagréments, en se greffant à la multitude de chantiers existant.
Retrouvera-t-on de sitôt un Sidi Yahia accueillant, moderne et convivial ? C’est la question que se posent les habitants de ce quartier qui réclament son image de marque. Pourtant, l’image de Beverley Hills algérien qu’on lui attribue confine plutôt au ridicule.
Nihel Alloui