Une « violation manifeste des droits de l’homme et des libertés fondamentales du citoyen. » Voilà comment la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) qualifie, dans un communiqué paru aujourd’hui 18 juin, la condamnation de 29 activistes dans la wilaya de Laghouat.
La sentence a été prononcée par le tribunal de Laghouat, située à plus de 400 Km au sud d’Alger, ce mercredi 18 juin, au cours d’une séance à huis clos. Les chefs d’accusation retenus contre les 15 prévenus étaient les suivants : attroupement armé, violences envers les agents de la force public, et destruction et dégradation des biens d’autrui. 3 prévenus ont été relaxés, les 12 autres écopent de 6 mois de prison ferme. Un jugement par contumace a également été adressé à 17 autres personnes, avec une sentence de deux ans fermes.
Les faits remontent au 8 juin. Une dizaine de jeunes avaient alors organisé un sit-in pacifique devant la daïra de Laghouat, afin de « s’informer sur les modalités de distribution d’un quota de logement », rappelle-t-on à Laghouat. N’ayant pas été reçus par le chef de daïra, ils avaient ensuite décidé de marcher vers le siège de la wilaya pour exiger une rencontre avec le wali en personne. C’est alors que des heurts avaient éclatés. 15 policiers avaient été blessés par des jets de pierre et environ 50 jeunes arrêtés par les forces de l’ordre.
Contacté par Algérie-Focus, le président de la LADDH à Laghouat, Yacine Zaid explique que les activistes condamnés sont des responsables de la société civile connus dans la région. « Des membres du Comité des chômeurs et des présidents d’associations de quartiers notamment » a-t-il ajouté. « Ce sont eux qui sont en première ligne dans les manifestations, pour défendre le droit au logement ou protester contre le chômage par exemple. Mais leurs protestations sont toujours pacifiques », assure-t-il.
Interrogé sur les raisons de cette condamnation, Yacne Zaid n’hésite pas à parler d’une « chasse aux activistes ». Le communiqué de la LADDH évoque lui « un harcèlement à caractère despotique ». Et selon Yacine Zaid, les principaux acteurs de ce harcèlement sont les policiers en civil. « La société civile commence à avoir peur des policiers en civil, » a-t-il expliqué à Algérie-Focus. « Ce sont eux qui provoquent les heurts avec les manifestants, et qui en profitent ensuite pour arrêter les activistes ». D’ailleurs, la plupart des activistes condamnés à Laghouat n’étaient même pas présents lors des violences du 8 juin. « Ils étaient simplement allés au commissariat pour plaider pour la libération des jeunes arrêtés lors de ces heurts ». Les 29 activistes condamnés vont donc faire appel, souligne notre interlocuteur.
Yacine Zaid a également souligné la responsabilité du nouveau chef de la sûreté de la wilaya dans ce cycle de violences et de condamnations. « Je tiens le chef de la sécurité pour responsable de ces évènements car il est venu ici pour mettre le feu aux poudres, » a-t-il déclaré à Algérie-Focus.
Dans son communiqué, la LADDH rappelle que le droit au logement, que défendaient les jeunes arrêtés le 8 juin dernier, est un droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH). « En revendiquant son droit au logement, le citoyen devient la proie d’un appareil judiciaire totalement arbitraire, » peut-on lire dans le communiqué. « De ce fait, nous ne pouvons que dénoncer cette persécution qui ouvre la voie à une campagne inquisitoriale en contradiction avec un État de droit », ajoute la même source.
La LADDH dénonce enfin l’instrumentalisation de la justice par la volonté politique, ce qui met « gravement en cause la déontologie du système judiciaire algérien » et mène à l’ « insécurité généralisée instaurée au sein de la société ».