La vidéo atroce de l’exécution de l’otage français Hervé Gourdel, postée sur internet et reprise même par quelques chaînes de télévisions algériennes privées sans prendre la moindre précaution déontologique, peut-elle avoir des effets négatifs sur la psychologie de la jeunesse algérienne ?
C’est la question que l’on se pose depuis le tragique fait divers qui a secoué la ville de Haïzer, dans la wilaya de Bouira située à moins de 100 Km de la capitale Alger. Jeudi, une jeune femme a été décapitée, de la même manière que l’otage français Hervé Gourdel, par son beau-frère. Sa tête a été jetée dans un puits par son assassin âgé de 32 ans. Ce criminel est en ce moment en état d’arrestation et la gendarmerie nationale poursuit son enquête pour éclaircir les circonstances de ce drame. Mais ce fait divers, largement relayé par les correspondants locaux de la presse nationale, rappelle tristement l’exécution barbare diffusée dans la vidéo postée par le groupe terroriste « Jound El Khilafa ». Y-a-t-il alors une relation entre les deux décapitations ?
«Ces images très violentes peuvent influencer d’une manière directe, ou indirecte, le comportement d’une grande partie de la jeunesse algérienne qui est constamment exposée à ce genre de discours dangereux et de violence structurelle. Cette violence diffusée et relayée par Internet peut contribuer à façonner les actes criminels notamment chez les jeunes qui subissent le matraquage de ces images», nous explique Amel Djadja, chercheur au centre de recherche en Economie Appliquée pour le Développement (CREAD) de l’université de Bouzaréah à Alger. Selon notre interlocutrice, cette violence symbolique mise en scène par des groupes terroristes peut favoriser le développement de la criminalité dans notre société. «Les jeunes algériens qui sont marginalisés, chômeurs ou ceux qui subissent l’exclusion sociale sont particulièrement vulnérables à ce genre de discours radical ou d’images violentes qui peuvent produire des effets très négatifs sur leurs comportements», avertit cette sociologue.
Malheureusement, en Algérie, la diffusion de cette violence a été encouragée par certains médias algériens qui ne se sont pas gênés pour reprendre les images les plus atroces de l’exécution de l’otage Hervé Gourdel. Sans aucun scrupule, Ennahar TV et Echourouk TV ont montré la tête de Hervé Gourdel et des séquences de sa décapitation. Ces médias ne se soucient guère des effets très dangereux que ces images pourraient susciter chez les jeunes algériens, notamment chez les plus fragiles d’entre eux. Ces dérives médiatiques n’ont nullement été sanctionnées par les pouvoirs publics.
A ce propos, la sociologue Amel Djadja tire aussi la sonnette d’alarme. Elle insiste sur le rôle important que jouent les médias pour faire barrage à la propagande du terrorisme meurtrier « Les médias ne doivent pas rester neutres quand il s’agit de discours terroriste ou de vidéos et d’images cruelles. Les médias doivent prôner un discours de paix et de tolérance. Il doivent bannir les discours extrémistes appelant à la haine et au meurtre», conclut notre interlocutrice.
Avec Arezki Ibersiene