Drame de la petite Nihal/Nous sommes tous responsables

Redaction

Updated on:

La petite Nihal a été retrouvée morte. Inutile d’énumérer les détails sordides qui accentuent notre douleur et surtout celle de sa famille. Retenons qu’un ange vient de nous quitter et que notre petite fille est partie rejoindre le monde de l’innocence et celui de l’amour, car les anges ne meurent jamais.

 

Ici-bas, les adultes sont de moins en moins humains et de plus en plus esclaves de leurs instincts, depuis qu’ils ont perdu leurs repères et qu’ils naviguent à la seule boussole de l’argent, de la richesse et des plaisirs ; depuis qu’ils ne croient plus aux valeurs morales qu’on leur assène par fournées et qu’ils ne retrouvent pas chez ceux-là-mêmes qui les abreuvent à longueur de journées de conseils et de leçons qu’ils ont oublié d’appliquer à eux-mêmes.

Là-haut, Nihal pourra peut-être se consoler en découvrant qu’elle vient de quitter un monde difforme et glauque habité par un troupeau que seule préoccupe la ration de foin et de carottes et qui mobilise ses fourches non pas pour réclamer la tête de celui qui a laissé faire mais pour pendre haut et court le délinquant parmi eux. A Oran et ailleurs, la foule est en colère.

C’est la foule qui se défoule car il faut bien se délivrer du démon qui l’habite et que c’est bien plus facile de l’exorciser ensemble que de rester seul en sa compagnie. Il y a les autres ; ceux qui n’ont rien vu venir, qui dorment tranquilles puisqu’ils sont innocents et qui ferment leurs volets dès qu’ils voient la foule. Nietzsche a dit que le peuple a toujours raison mais que la foule a toujours tort. Et il a bien raison. Alors il faut choisir.

Entre le peuple et la foule, il faut rejoindre le peuple mais poser ses conditions, comme s’approprier sa sagesse, participer à ses victoires contre les potentats, partager ses joies et ses tristesses et surtout respecter chaque personne et chaque individu dans ce qui constitue nos différences.

 

La foule réclame la peine de mort.

En appeler à la mort pour se délivrer du mal, c’est comme appliquer un emplâtre sur une jambe de bois, c’est comme briser le miroir pour guérir l’eczéma.

Ce n’est pas en actionnant la guillotine qu’on éradique la pédophilie et ce n’est pas en enfermant les femmes (à tous les sens du terme) qu’on fera disparaître les frustrations sexuelles. L’ennemi est connu ; c’est la violence sociale et cette violence, pas toujours visible ne peut qu’engendrer des monstres.

On peut comprendre le désir de vengeance et le besoin de venir à bout de la barbarie et de ces monstres qui ne vivent que de sang, d’argent et de sexe, mais la peine de mort n’est pas le remède. Le peuple devra exiger de ses élus la fin des privilèges et du népotisme, la sévérité de la loi contre la corruption, la fin du laisser-aller, le respect de la liberté individuelle ; en un mot, la fin de cette violence sociale qui est le terreau de la violence tout court.

Nihal restera pour nous le symbole d’un gâchis impardonnable dont nous sommes tous responsables, et qui hélas risque de se reproduire périodiquement, au rythme des kidnappings et des demandes de rançons si on continue à laisser faire et à ne réagir que lorsque le mal est fait.

Aziz Benyahia

Quitter la version mobile