Eclairage/ Fatima Oussedik, sociologue: « Agresser les femmes, c’est ce qui reste aux hommes algériens pour affirmer leur identité masculine »

Redaction

« En Algérie, la seule manière qui reste aux hommes pour affirmer leur identité masculine est d’agresser les femmes », affirme Fatima Oussedik, professeur à l’université  de Sociologie à l’Université d’Alger II. Contactée par Algérie-Focus pour recueillir sa lecture et son expertise au sujet de la polémique déclenchée par l’agression sexuelle dont a été victime une jeune fille portant une jupe courte à Tlemcen, la célèbre sociologue algérienne affirme que les « femmes algériennes sont livrées en pâture à des hommes qui ne trouvent plus leur autorité dans leur pays ». 

Privés de perspectives prometteuses, d’emplois, de statut économique et d’une position digne de ce nom dans le fonctionnement de la Cité, les hommes algériens règlent leurs comptes avec les corps des femmes, analyse cette sociologue, également chercheure associée à la Division développement humain et économie sociale du Centre de recherche en économie appliquée au développement CREAD.

« Tout ce qui reste aux hommes algériens est d’agresser le corps des femmes. Il n’ont plus aucun autre moyen pour exprimer leur autorité, leur masculinité dans la société », constate Fatima Oussedik qui a consacré son magister en 1986, aux « Quelques aspects des identités féminines à Alger ». D’après notre interlocutrice, il est complètement mensonger de résumer la problématique des agressions sexuelles aux diverses tenues de la femme. « Qu’elles soient habillées en jupes ou voilées ou même en niqab, les femmes algériennes subissent sans aucune distinction toutes sortes d’agression« , assure-t-elle. Le débat ne concerne donc guère la tenue des femmes. Il ne porte pas uniquement sur la frustration sexuelle dont souffrent les hommes et les jeunes algériens. Il relève, plutôt, de la question de l’autorité et de la gouvernance, observe Fatima Oussedik. Si les autorités sanctionnaient sévèrement les auteurs de ces exactions, « les agresseurs réfléchiraient à deux fois avant de commettre leurs forfaits », souligne notre sociologue. Justement, « dans un pays en manque d’Etat et d’institutions légitimes où on ne sait plus qui détient le monopole de la sanction, les catégories fragiles, telles que les enfants ou les femmes, seront toujours livrées en pâture », avertit en dernier lieu notre interlocutrice.