La wilaya d’Alger a entrepris depuis 3 semaines, sans véritable rigueur, des travaux au niveau de la voirie du centre-ville de la capitale. Au grand damne des piétons algérois contraints de circuler sur des trottoirs dévastés.
« On est en 2014 et nous n’avons même plus de trottoirs », peste un passant, qui avance tant bien que mal sur la rue docteur Saâdane. Mais où sont passés les trottoirs du centre ville de la capitale, de l’avenue Didouche Mourad au Palais du gouvernement ? Tout simplement retirés, attaqués à coup de marteau piqueur et de pelles par les agents de la wilaya d’Alger, qui a lancé il y a trois semaines une vaste opération de revêtement des axes piétons d’Alger centre.
On aurait pu se réjouir de cette initiative politique mais les travaux publics entrepris au niveau de la voirie d’Alger s’avèrent plutôt un véritable casse-tête pour les piétons. Circulant difficilement entre les cailloux et les restes de carrelages, ils ont très vite fait d’abandonner les axes piétons pour marcher sur la chaussée, quitte à se frotter d’un peu trop près aux automobilistes.
Manœuvre politicienne ?
La manière avec laquelle sont menés ces travaux est fortement critiquable. D’abord, la signalétique est quasi inexistante si bien que les piétons se laissent parfois surprendre par l’avancée des travaux. Et au lieu d’avoir progressivement étendu le chantier à l’ensemble du centre-ville, la wilaya a jugé bon de remplacer tous azimuts les dalles des trottoirs de la commune.
Certains architectes algérois vont jusqu’à dénoncer une manœuvre politicienne à deux mois, jour pour jour, du scrutin présidentiel. « Ce projet est sans aucun doute lié à l’élection présidentielle », soupçonne Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (Cnea). Du côté de l’APC, située place de l’Emir Abd el Kader, on évoque une simple coïncidence. « C’est la meilleure période de l’année pour faire des travaux. Les chaleurs de l’été rendent pénibles ce genre de travaux et en ce moment il n’y a pas beaucoup de pluie », affirme un responsable du département de l’urbanisme à l’APC, qui tend à rassurer les habitants de la capitale sur la sûreté de ces travaux : « il n’y a rien à craindre étant donné que les graviers ne sont pas stockés sur la voie publique ». Pourtant, on a frôlé l’accident le 12 février lorsqu’un câble électrique a été touché lors du décapage des trottoirs de l’avenue Mohamed V. Des étincelles ont jailli, apeurant les piétons, qui ont alors alertés les services de la Protection civile. Les pompiers sont également intervenus.
Les rues impraticables négligées
Suspicieux, Abdelhamid Boudaoud estime que le nouveau look d’Alger centre n’est que de la « poudre aux yeux ». « Ces travaux ne se concentrent que sur les artères principales et négligent les rues transversales », déplore cet architecte algérois, avec 40 ans de métier. Les ouvriers de la wilaya d’Alger ne s’aventurent effectivement pas dans des rues impraticables, rongées par les boursouflures, nids-d’autruche, crevasses et autres excavations, comme Réda Houhou à proximité du marché Clauzel, celles du quartier de 1er Mai, voire même l’avenue Hassiba. « Les dirigeants d’APC connaissent mal les communes, qu’ils administrent. Ils ne se promènent pas et en conséquence ignorent les véritables besoins de leurs concitoyens », avance Abdelhamid Boudaoud, qui déplore la qualité même de ces travaux et le manque de suivi : « Ils n’utilisent pas des matériaux idoines. C’est pourquoi les travaux n’en finissent jamais ». Pire, la réfection des sols est conduite avec un manque de rigueur flagrant. « Il n’y a pas assez de dalles de carrelage alors les agents sont obligés de combler les trous avec du goudron. Un matériau inadapté pour l’Algérie car il font en été avec les fortes chaleurs. En plus le goudron est cancérigène », explique encore cet architecte, qui dit s’être juré de ne plus jamais collaboré avec une APC ou une OPGI. « Là-bas, on n’a pas d’interlocuteur. On n’a pas à faire à un architecte mais aux fonctionnaires qui veulent jouer les architectes », assène-t-il.
Les piétons devront prendre leur mal en patience car les « travaux vont se poursuivre encore un bon mois », annonce le service d’urbanisme de l’APC d’Alger centre. Ils seront donc juste à temps pour l’élection présidentielle du 17 avril…