Violemment pris à parti par une bande de baltaguias, les militants membres de la Coordination nationale de la défense des droits des chômeurs ont été contraints vendredi d’annuler leur marche à Aïn Beida, dans le sud du pays, prévue initialement le lendemain. Appuyés par le réseau des avocats pour la défense des droits de l’Homme, les protestants rejettent la faute sur les autorités locales.
Au lieu de la technique de la répression par le bâton de police, c’est à la stratégie de la peur qu’ont eu recours les autorités locales d’Aïn Beida, située dans la wilaya de Oum El Bouaghi, au sud de l’Algérie, pour saboter la manifestation de chômeurs, organisée à l’origine pour samedi. Une stratégie mise en place dès vendredi, en milieu d’après-midi. Des imams de différentes mosquées de la ville ont ainsi dissuadé les chômeurs en surnombre à Aïn Beida de ne pas battre le pavé. Dans leurs virulents prêches, ils ont accusé ceux qui réclament le droit de travailler de vouloir créer de la zizanie dans le pays, les désignant quasiment à la vindicte des baltaguias.
« Le régime Algérien ne vit et persiste que par la violence »
A l’extérieur des mosquées, armés de couteaux, une quarantaine de « voyous » ont attendu le groupe de manifestants, avant de les passer à tabac, blessant plusieurs personnes. Ce groupe de « vigiles » a été envoyé sur la place publique par l’administration locale, ont dénoncé dimanche d’une seule voix le Coordination nationale de la défense des droits des chômeurs et la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH). « Nous avons été victimes d’une attaque d’un groupe de baltaguias qui ont agi sous les ordres des autorités locales », assure Tahar Belabès, coordinateur du CNDDC. « C’est le maire de Aïn Beida qui a poussé ces voyous pour nous attaquer », croit-il savoir. Pour lui, le pouvoir veut de cette manière circonscrire le mouvement des chômeurs en Algérie dans une dimension régionale. Le but ultime étant de l’étouffer à petit feu. Les « rassemblements des comités de chômeurs à l’Est du pays dérangent les autorités » qui voudraient « garder un caractère régional au mouvement et le cantonner au Sud du pays uniquement », affirme Tahar Belabès, qui raconte avoir été poursuivi en voiture alors qu’il fuyait vers Constantine. « Je me dirigeais vers Constantine après avoir quitté Aïn Beida. J’étais tout seul dans la voiture. Une autre voiture me collait et voulait me renverser. Elle m’a obligé à sortir de la chaussée », raconte-t-il. De son côté, le bureau d’Oran de la LADDH, dans un communiqué publié dimanche, fustige « le régime Algérien [qui] ne vit et persiste que par la violence ». « C’est pourquoi il espère déplacer la protestation pacifique vers l’émeute », considère la Ligue.
« Stratégie de la surprise »
C’est pour éviter ce que Tahar Belabès qualifie d’ « effusion de sang », que la marche des chômeurs à Aïn Beida a été ajournée. « Les choses pouvaient déraper. Nous avons donc décidé de nous déplacer vers une autre daïra Aïn Bebbouche pour passer la nuit avant de revenir le lendemain à Aïn Beida », raconte Aïbek Abdelmalek, membre du CNDDC.
En réponse à ce lynchage, le mouvement emmené par Tahar Belabès promet d’utiliser dorénavant la « stratégie de la surprise ». « Nous avons jusque-là respecté la loi en déposant des demandes de rassemblement aux autorités compétentes. Mais il semble que cette démarche nous met en danger puisque les dates et les lieux de nos rassemblements sont connus d’avance. Dorénavant, nous allons agir sans en informer les autorités », a indiqué Tahar Belabès.