L’imprimerie SIPA a profité du salon Maghreb Pharma, du 20 au 22 septembre sur l’esplanade de l’hôtel Hilton à Alger, pour présenter aux professionnels de la santé une innovation qui devrait contribuer à réduire la dépendance des aveugles algériens : la traduction en braille sur les boîtes de médicaments.
Un petit pas pour la technologie, mais un grand pas contre le handicap. Voilà qui pourrait résumer cette tardive, mais néanmoins incontournable avancée. Les aveugles et malvoyants algériens n’auront bientôt plus besoin de solliciter une assistance extérieure avant de prendre un médicament. Comment est-ce possible? C’est tout simple : le nom et le dosage seront désormais écrits en braille sur les boîtes.
“Nous n’avons même pas besoin de machines spécifiques pour les fabriquer, mais juste quelques paramètres à modifier sur un matériel qu’on possède déjà!” s’enthousiasme Mohamed Tahar Bouzar, directeur commercial chez SIPA, imprimeur pionner dans le domaine. “Il nous reste maintenant tout un travail de pédagogie à fournir, parce que je me suis aperçu que certains professionnels du secteur ne connaissaient même pas le braille. Et puis, c’est dur de faire comprendre à un client l’utilité d’une technologie qui n’est pas encore obligatoire.”
En effet, M.Bouzar a beau répéter que le procédé ne coûte absolument rien au client, la traduction automatique des noms en braille sur toutes les boîtes de thérapeutiques ne devrait pas voir le jour en Algérie avant au moins 2016 -alors qu’elle l’est depuis longtemps dans bien d’autres pays, et pas seulement parmi les nations développées. L’imprimerie ne commercialise pour l’instant qu’une quinzaine de médicaments à l’appellation frappée en relief sur leur emballage, mais compte bien élargir sa gamme une fois les coûts de conception initiaux amortis.
Une dizaine de chercheurs à temps plein pendant six mois…et deux consultants privilégiés
Afin d’élaborer le procédé, une dizaine de chercheurs ont été mobilisés à temps plein pendant six mois, optant finalement pour une technique assez proche du “gaufrage esthétique”. L’équipe technique a d’abord travaillé seule, avant de s’adjoindre les services de deux jeunes non-voyants, avec qui ils ont peaufiné les derniers réglages.
“Au début nos employés avaient peur de les brusquer, mais ils ont l’esprit très vif et bien vite la coopération s’est faite de façon totalement naturelle,” raconte Mohamed Tahar Bouzar, qui possède lui-même une sœur handicapée et maîtrise le langage des signes. “En fait c’est nous les handicapés, avec toutes les limites qu’on se fixe dans nos têtes!”
Mohamed Kacemi, l’un des deux consultants malvoyants –dont nous avions fait le portrait il y a quelques semaines*– évoque ici l’importance de l’innovation présentée ces derniers jours dans le quotidien des aveugles algériens :
Pour conseiller l’entreprise, Mohamed était accompagné de son complice et ami de dix ans, Hamoudi Abdellaoui, qui a perdu la vue en 2001 suite à un accident domestique. Aujourd’hui âgé de 23 ans, celui qui est major de son master en littérature anglaise rêve d’étudier un jour au Royaume-Uni. Mais avec le sort réservé aux non-voyants en Algérie, ses préoccupations sont pour le moment beaucoup plus terre-à-terre :
*à l’époque, Mohamed cherchait encore quelques soutiens avant de lancer sa propre association de défense des droits des aveugles. Il a depuis reçu l’appui de l’épouse du Premier Ministre Abdelmalek Sellal, et devrait déposer son dossier de reconnaissance dans les prochains jours.