Algérie : Pénurie d’ingénieurs en génie biomédical au pays des chômeurs

Redaction

En Algérie, seule une centaine d’étudiants en médecine quittent chaque année l’université le diplôme d’ingénieur en génie biomédical en poche. Pire, la majorité d’entre eux ne trouve pas d’emploi n’étant pas autorisés à exercer dans les hôpitaux publics, pour des raisons administratives. Une incohérence regrettable dans un pays où la secteur hospitalier est en panne.

Métier méconnu du grand public, l’ingénieur biomédical est un poste clef puisque c’est lui qui est chargé de superviser l’équipe de techniciens dans l’achat, l’optimisation et le fonctionnement des équipements médicaux, depuis le petit matériel (seringues électriques) jusqu’au plus lourd (scanners, IRM etc.). « L’une des solutions pour améliorer le secteur de la santé publique en Algérie c’est de donner à l’ingénieur biomédical toute son importance. Dans certains hôpitaux, le matériel et les équipements sont là mais personne ne sait s’en servir », déplore Dr Salim Kerai, chef de département de génie biomédical à l’université Abou Bakr Belkaïd à Tlemcen, dans les allées du Salon international de l’expertise hospitalière, qui se tient jusqu’à ce samedi 11 avril à la Foire d’Alger.

Du matériel médical non exploité … faute d’utilisateurs formés

À ses côtés, l’un de ses étudiants en master estime que, pour une qualité et une sécurité des soins optimales, les directeurs d’hôpitaux ne peuvent pas se passer des ingénieurs en génie biomédical. « C’est lui qui connaît les besoins de son centre hospitalier et sait ce qui se fait le mieux sur le marché en terme de rapport qualité/prix. Il est donc plus disposé à négocier le coût d’achat d’un équipement. Et en temps de crise et de restriction budgétaire, son rôle est d’autant plus important », explique le futur ingénieur biomédical, originaire de la wilaya de Béchar. Il ajoute : « les hôpitaux ont également besoin d’un ingénieur en génie biomédical pour assurer le contrôle qualité des machines, surtout après une réparation. On évitera ainsi de faire passer une batterie d’examens à des patients sans être sûr de la fiabilité des résultats ».

Mais l’Algérie boude encore cette spécialité. Dans tout le pays, seule université, en l’occurrence celle de Tlemcen, est habilitée par le ministère de la Santé pour former des ingénieurs en biomédical. En tout, seule une centaine d’étudiants sortent chaque année diplômés de cette filière. Soit deux nouveaux ingénieurs en génie biomédical par wilaya. C’est peu dans un pays malade de ses hôpitaux. Le cancer, deuxième cause de mortalité en Algérie, fait, pour rappel, plus de 45.000 nouveaux cas par an, dont 70% découverts à un stade avancé. Mais les patients diagnostiqués attendent en moyenne 6 mois pour obtenir un rendez-vous pour une radiothérapie.

Des ingénieurs au chômage

Malgré le besoin, les ingénieurs en génie biomédical peinent à trouver un emploi. Les premières promotions issues de l’université de Tlemcen font le bonheur des hôpitaux militaires, les autres sont réduites à la précarité, explique le responsable de la filière universitaire. « Leur insertion professionnelle est compliquée surtout dans le secteur public. Ils n’arrivent à trouver des postes que dans les hôpitaux militaires ou des pré-emplois dans les centres hospitaliers publics, qui ne correspondent malheureusement pas à leur compétence. Des étudiants en viennent alors à créer leurs propres boîtes « , précise Dr Salim Kerai. La raison ? La fonction publique algérienne ne prévoit pas de statut pour le poste d’ingénieur biomédical. « C’est vrai qu’il y a un paradoxe », reconnaît-on à l’Agence nationale de gestion des réalisations et de l’équipement des établissements de santé (AREES). « Mais on est en train d’arranger cela. On vient de se saisir du dossier », fait-on valoir.

Mercredi dernier, lors de l’inauguration du Salon international de l’expertise hospitalière, le ministre de la Santé, Mohamed Boudiaf, l’AREES et l’université de Tleemcen ont ainsi signé une convention pour aider les jeunes diplômés en génie biomédical à sortir de la précarité. « L’AREES s’engage à accompagner ces diplômés dans leur insertion professionnelle en les aidant à trouver un stage pratique dans une structure hospitalière. C’est un début », avance les organisateurs du Salon. Mais, sans une réforme administrative, créant un statut pour les ingénieurs biomédicaux, ces jeunes diplômés ne sont pas près de quitter le cercle vicieux de la précarité. Et le statu quo dans les hôpitaux publics risque de durer au grand damne des patients.