L’évêque de Constantine, Paul Desfarges, a brisé un tabou. Une fois n’est pas coutume, un dignitaire chrétien en Algérie ose affirmer qu’ils sont de plus en plus nombreux ces Algériens à suivre la voie du Christ. Mais cet aveu n’a pas été du goût de certains intolérants qui sont vite montés au créneau pour crier au scandale. Sur la toile, comme dans les cafés et les diverses places populaires, les insultes et les malédictions ont fusé de partout.
Les partisans de la sacro-sainte identité islamique de l’Algérie ont sorti de leur esprit toutes leurs fantasmagories. Ces Algériens chrétiens sont des vendus, des traitres, des renégats et un danger pour leur pays. «Ce n’est pas possible ! Ces nouveaux chrétiens ont reçu de l’argent. Ils ont été évangélisés à coup de dizaines de milliers d’euros». Voila la réflexion que nous avons tous entendu au moins une fois dans notre vie à chaque fois qu’on ose aborder ce sujet délicat.
Délicat et choquant puisque dans l’imaginaire collectif, des Algériens chrétiens, c’est une contre nature en soi ! Un Algérien est avant tout musulman. Il est né pour l’être ou pour le devenir. Il ne peut pas dévier de ce chemin qu’Allah lui a tracé bien avant naissance. Pas de place au libre arbitre dans cet univers façonné par une vision religion rigoriste et unilatéraliste. Une vision qui s’enseigne dans les écoles algériennes. Tout petit, nos écoliers apprennent déjà que l’Islam est forcément supérieur à tous les autres religions. Ils apprennent que le paradis est uniquement promis aux musulmans. Les autres, chrétiens ou juifs, ne sont guère dignes de respect. Le fanatisme religieux inculque ces sentiments de méfiance et de haine à des enfants livrés à eux-mêmes sans que personne ne trouve à redire. Exit les valeurs de tolérance, de bonté, de vivre ensemble et d’acceptation de l’autre qui font, pourtant, l’identité originale de l’Islam. Un Islam qui a, naguère, cimenté la société algérienne avec son harmonie et son esprit des lumières.
Mais aujourd’hui, la religion sert à d’autres fins. En Algérie, elle ne rassemble pas. Elle désunit. Elle n’apprend plus l’amour et le partage. Elle distille la méfiance et la haine. Les chrétiens algériens l’ont appris à leurs dépens. Eux qui ne constituent une minorité invisible sont décriés, traduits en justice et pourchassés par les forces de la morale. Quels sont leurs torts ?
Abderrahmane Semmar
P. S : Cette chronique est une reflexion subjective sur un évènement particulier de l’actualité