Halte au racket alimentaire dans les restaurants !

Redaction

Le service, les prix, l’hygiène, la lisibilité des menus, la disponibilité des plats … Autant de domaines dans lesquels les restaurants algériens brillent par leur médiocrité. Scènes vécues à Alger.

Ce n’est pas faire offense aux Algériens que de dire que nous aimons manger. Mieux : la gastronomie algérienne, riche et variée, peut prétendre sans gêne aucune concurrencer celle de la France, de l’Italie, du Japon et de tous les autres pays dont les tables sont classées au Guide Michelin, référence ultime en matière d’arts culinaires.

Si nous aimons manger, et bien manger, il est tout de même un mystère insondable : la médiocrité de nos restaurants. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Nos restaurants font honte à notre gastronomie.

Commençons par la composition des cartes. Occidentalisées au point de se demander si nous avons oublié ce que notre pays peut offrir à nos palais. Pizzas, paninis, hamburgers, crêpes salées, crêpes sucrées … Où sont passées les loubias, chakhchoukha, chorbas, tajines, qalbs ellouze, baghrir, m’semmels, maqrouds, etc ? Relégués aux gargotes des quartiers populaires, ou aux adresses attrape-touristes des hôtels de luxe. Et l’Algérien moyen qui veut profiter d’une table confortable et abordable ? Et bien, il peut toujours courir.

Courir est le terme approprié. Organiser une sortie au restaurant entre amis s’apparente à un marathon. Un marathon à reculons. Il faut d’abord commencer par éliminer tout ce qui est infréquentable : quartier réputé dangereux, clientèle pas très recommandable, prix trop élevés, hygiène douteuse. C’est là le degré d’exigence minimal. Car une fois ces critères validés, vous n’êtes pas sûrs pour autant de passer une bonne soirée.

Premier écueil : choisir un plat. Dans un pays « normal », les plats proposés à la carte sont ceux que le restaurant sert. Une lapalissade ? Pas en Algérie où le menu est une liste d’hypothèses. Au doigt mouillé, il y a huit chances sur dix que le mets qui vous fait saliver soit indisponible. Aussi, quand le serveur se présente à vous, il vous faut d’abord lui demander ce qu’il reste en cuisine. Vous assistez, impuissant, à l’énonciation de tout ce qu’il vous est impossible de consommer.

Le cas le plus extrême ? Deux plats encore disponibles au lieu d’une trentaine. Et surtout, ne vous aventurez pas à faire remarquer au serveur que cela s’apparenterait presque à de la publicité mensongère. Il vous regarderait d’abord avec étonnement, puis avec dédain, haussant les épaules avant de lâcher : « Allah Ghaleb ! »

Il est 22 heures et votre ventre crie famine. Alors va pour le filet mignon à 700 DA qui vous condamne au pain et à l’eau pour le reste du mois. Votre ami, à gauche, plus malin que vous, a commandé les deux dernières entrées qui traînent en cuisine. Mais comme disent les Français, « à malin, malin et demi » ! Cinq minutes ne se sont pas encore écoulées que le serveur revient le voir pour l’informer que la maison ne sert pas les entrées seules. « Le chef dit qu’une entrée doit être suivie d’un plat » lui assène-t-il d’un air très sûr. Monsieur, vous mangerez ce que le restaurant a décidé pour vous ou vous ne mangerez pas !

23 heures. Vous avez attaqué vos ongles depuis belle lurette. Le filet mignon arrive. Victoire !!!!! Enfin, plutôt : Victoire ???? Ne faisons pas durer le suspense inutilement. La réponse est : non. Ce n’est pas ce que vous aviez commandé. D’une, vous aviez précisé ne pas vouloir des frites, mais des légumes. De deux, la viande est à peine cuite. Devant votre mine dépitée, le serveur vous annonce que la cuisine est fermée. Vous mangerez cru.

Enervé, affamé, épuisé, vous avalez sans mastiquer le bout de caoutchouc qui vous est tendu. Il ne faut pas gâcher. 700 DA quand même. Vous y pensez à chaque bouchée. Vous finissez même le pain, histoire de rentabiliser votre investissement.

C’est là que vous vient une brillante idée : vous laver les mains. Souvenir d’enfance que ces campagnes d’hygiène qui vous ont appris à bien frotter avec du savon ! Sauf que là, le savon est marron. Ce n’est pas sa couleur naturelle, il est juste sale. Vous vous demandez si ça se lave, un savon. Et avec quoi. Un autre savon ?

Un coup d’oeil rapide aux WC vous dissuade de soulager votre vessie. Encore plus si vous êtes une fille. Il y a de l’eau par terre. Pas de papier. Pas de lumière.

Les mains sales, le ventre et le palais frustrés, un début de migraine – ah oui, Momo et Hamza se sont disputés pour savoir qui prendrait le dernier burger, mais finalement il n’y en avait pas -, votre groupe se dirige vers la caisse pour régler la note. Cerise sur le gâteau empoisonné : les prix affichés sur le menu n’étaient pas les bons. Vous pestez, râlez, condamnez, menacez, criez, vous pleurez même, mais rien à faire. Le manager vous explique que c’est à cause des pénuries. « On a acheté la viande plus chère, Madame, comprenez-nous. » Là encore, une arnaque en bonne et due forme, mais que peut-on y faire ? C’est encore pire pendant le Ramadan : les prix triplent en l’espace de quelques jours. L’alternative est simple : soit vous vous ruinez, soit vous restez chez vous et renoncez à toute vie sociale.

Toutes les scènes racontées ici ont été vécues. Malchance ? Concours de circonstance ? Les témoignages d’amis, cousins, amis de cousins, cousins d’amis vont tous dans le même sens. La restauration algérienne pâtit d’un manque flagrant de professionnalisme. Quelques adresses relèvent le gant. Trop peu nombreuses, elles sont prises d’assaut et risquent fort de retomber dans les travers décrits ici.

Que faire pour y remédier ? Dénoncer haut et fort les arnaqueurs. Boycotter les voleurs. Aider les gens honnêtes en les faisant connaître. « I have a dream » déclamait Martin Luther King il y a cinquante ans. Le mien, à l’heure actuelle, est que la gastronomie algérienne retrouve ses lettres de noblesse.

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