Combien de fois n’a t’on pas reproché au cours des dernières années aux autorités économiques algériennes de manquer d’un projet, d’une « vision stratégique » capable à la fois d’éclairer l’avenir et d’orienter son action au quotidien. Des tentatives sans grands lendemains ont bien été faites au cours des dernières années. Qui se souvient de la « stratégie industrielle » élaborée sous l’égide de M.Rahmani ? Qui a eu connaissance de ce document de stratégie à long terme élaboré par notre éphémère ministère de la prospective, avec l’aide d’experts coréens ?
Chiche, semble répondre aujourd’hui le ministre de l’industrie, M. Abdesselam Bouchouareb, qui fixe pour objectif à la Conférence organisée symboliquement à l’occasion du 60ème anniversaire de Novembre, et qui s’ouvre aujourd’hui même pour 3 jours au Palais des Nations du Club des Pins, de « préparer l’économie algérienne et ses acteurs aux enjeux qui se dessinent pour l’Algérie à l’horizon 2020 ».
Large participation et gages d’ouverture
C’est sans doute dans le but de donner plus de chances de succès à cette initiative que celles qui l’ont précédé que le ministre de l’industrie a pris de nombreuses précautions. M Bouchouareb et ses collaborateurs veulent tout d’abord parvenir à un « plan d’action largement concerté et porté par une vision stratégique à moyen et long terme partagée par tous les acteurs institutionnels, économiques et sociaux, sans exclusive ». Ils ont donc décidé de voir les choses en grand et n’ont pas lésiné sur la participation et les invitations. On annonce, outre les représentants des ministères, des parlementaires, des Walis, des élus locaux, la participation du CNES, de l’UGTA et des organisations patronales. Sont aussi invités des « chefs d’entreprises de renommée mondiale », des entreprises internationales exerçant en Algérie ainsi que des agences en charge de l’investissement au niveau de plusieurs pays. Autre signe d’ouverture : M.Bouchouareb a convié à la conférence des représentants de la société civile (NABNI, CARE, HAWKAMA) qui ont joué un rôle particulièrement actif dans le débat public au cours des dernières années.
Volonté politique et impuissance technique
Le document préparatoire qui annonce l’événement est très révélateur de l’état d’esprit qui anime aujourd’hui une grande partie des décideurs économiques algériens. Il traduit à la fois une grande détermination et une certaine perplexité. Au chapitre de la détermination, il annonce avec une certaine impatience qu’ « il est plus que temps que les investisseurs nationaux, les entreprises algériennes et les acteurs économiques puissent bénéficier à large échelle de politiques structurelles dont le pays a besoin pour appréhender l’avenir avec sérénité ». Au chapitre de la perplexité, la « note conceptuelle » préparée par le ministère de l’industrie relève cependant que « même si la volonté politique existe et qu’elle est affichée, que des moyens importants sont mobilisés, la question de l’ingénierie de la croissance reste encore posée au regard de l’ambition de la porter à des niveaux plus élevés sachant qu’un taux de 7% est attendu pour les cinq prochaines années » et que « la situation de l’investissement n’est pas encore à la hauteur de toutes les potentialités recensées en termes d’opportunités d’affaires, d’investissement et de partenariat ». Dès-lors, estime le ministère de l’industrie, les pouvoirs publics se doivent de « revêtir les attributs de facilitateur, accompagnateur, voire de leader dans la « fabrication » des conditions de la croissance, aux côtés et au service de tous les créateurs de richesses ».
Le climat des affaires en vedette….
Le climat des affaires sera un des grands invités de la conférence. Les autorités économiques algériennes sont clairement déçues que les efforts réalisés au cours des dernières années par l’Algérie ne se concrétisent nullement dans les classements internationaux. Un dépit qui se traduit par l’affirmation que « les réformes que compte engager ou consolider le Gouvernement, vont bien au-delà des indicateurs classiques des évaluations internationales (Doing Business, DAVOS, BAD et autres rapports ou grilles d’évaluation) ». Mais un dépit qui n’empêchera pas les participants à la conférence de plancher sur les conditions susceptibles de « créer un environnement incitatif à l’investissement et à l’entrepreneuriat pour libérer les initiatives des porteurs de projets et des candidats à l’investissement », « bien qu’un tel processus soit déjà engagé à travers une série de réformes visant, notamment, l’allègement des procédures, la réduction des délais et la diminution des coûts liés à l’acte d’investir ».
….Et les champions nationaux en débat
Même si on connait désormais l’identité des « champions nationaux » grâce à la définition récente des 10 groupes industriels de branche qui remplaceront les 18 SGP existantes selon un plan qui sera appliqué d’ici la fin de l’année 2014, le Ministère de l’Industrie veut également continuer à « débattre et échanger ensemble sur les conditions de dynamisation et les facteurs de succès des programmes de relance de l’outil de production nationale». Un débat qui doit conduire à la conception d’ « instruments rénovés de soutien à la promotion de filières industrielles prioritaires et à potentiel de croissance ». On n’oubliera pas non plus de consulter les invités étrangers sur le renforcement des programmes de mise en partenariat international qui, comme le montre les alliances spectaculaires entre des groupes publics algériens et des géants industriels comme Renault, Mercedes Benz, Sanofi ou encore Massey Ferguson, sont devenus désormais un des cheval de bataille favori des pouvoirs publics algériens.
Il ne reste plus qu’à souhaiter que la vaste manifestation qui s’ouvre aujourd’hui débouche sur une authentique vision stratégique pour l’ensemble de l’économie algérienne et pas seulement, comme le craigne déjà beaucoup de spécialistes, sur un énième plan de sauvetage du secteur public industriel.
Hassan Haddouche