Elle était encore un enfant. Elle profitait de son innocence pour savourer la vie et découvrir ses plaisirs. Avec son regard d’enfant, elle croyait que les démons des ténèbres ne viendraient jamais la terrasser. Sa voix d’ange et sa jovialité enfantine ont fait chaque jour le bonheur de sa famille.
A 4 ans, elle ne connaissait presque rien du mal, de la douleur et de la souffrance. Mais voici que d’un seul coup, elle découvre ce triangle obscur d’émotion qui plonge à lui seul une vie, aussi brève soit-elle, dans le cauchemar. Un jour, la petite fillette sort de chez elle pour rejoindre ses copines dans une école coranique. Après quelques pas légers dans la rue, son voisin, un homme de 27 ans, se pointe devant elle et la détourne du droit chemin de l’innocence. L’homme emmène de force la petite fillette dans un endroit isolé, la viole et abuse d’elle telle une bête immonde qui ronge sa proie. La fillette ne se remettra jamais de ce drame. Ni sa famille d’ailleurs. Mais cette victime du viol n’est pas la seule à souffrir en silence.
Dans notre pays, un bilan de la gendarmerie nationale a révélé que 190 femmes ont été violées depuis le début de cette année. 190 âmes meurtries qui ne savent plus maintenant quoi faire pour panser leurs blessures. Leur féminité a été ruinée, souillée et effacée d’un trait par des violeurs arrogants en quête permanente de proies féminines pour booster leur virilité. Le plus malheureux, et les services de sécurité le reconnaissent, est que le viol demeure toujours un crime passé sous silence dans notre pays. Les violeurs restent impunis et rares sont d’entre eux qui se retrouvent devant les juges dans les tribunaux.
Les victimes déposent rarement plaintes par peur d’une société qui va jeter sur elles l’opprobre. Ces femmes non seulement, elles ont été violées, mais elles sont aussi rejetées et bannies de la cité Algérienne. Une cité qui dénie à la femme violée le droit de parler de son malheur et de son sort tragique. La femme violée doit disparaître de la scène publique. Elle fait aussi mal à l’imaginaire collectif que le crime dont elle a été victime. Dans ce contexte social tordu, la justice tarde à faire son travail et les services de sécurité se contente de dresser des statistiques ténébreuses. D’une année à une autre, les bilans sont aussi lugubres les uns que les autres. Et à la fin une seule vérité surgit : le violeur en Algérie est à l’abri de toute poursuite, de tout jugement, de tout reproche. Il est le mal puissant qui impose sa loi. Il est ce dictateur qui résiste à toutes les révolutions. Personne n’ose encore lui dire « Dégage». Mais cela va-t-il durer encore longtemps ? Pas si sûr…
Abderrahmane Semmar