Le harcèlement sexuel : une souffrance au travail, un obstacle à la citoyenneté des Algériennes

Redaction

L’AFEPC et les collectifs de jeunes Barkana mel 3onf ont organisé dans le cadre de leur campagne contre la violence faite aux femmes, ce matin à Alger centre, dans la Salle de Cinéma Echabab, une conférence sur le harcèlement sexuel, animée par l’inoxydable militante et syndicaliste Mme Soumia Salhi. Le harcèlement sexuel est encore très répandu et tabou dans la société algérienne et les coupables restent, hélas, majoritairement impunis.

Une vingtaine de personnes se sont déplacées ce samedi matin pour assister à la conférence sur le thème du harcèlement sexuel dans l’Ex Casino de la rue Ben M’Hidi à Alger-centre. L’assistance, composée en majorité de femmes et de quelques hommes, a écouté l’une de ses meilleures ambassadrices, Soumia Salhi évoquer les différentes souffrances liées au harcèlement sexuel au travail, mais également dans les espaces publics (la rue, le bus), et privés.

En prenant la parole, cette fervente « défenseuse » de la cause féminine a tenu à rappeler d’un ton clair et direct un premier postulat : Qu’est-ce que le harcèlement ? « Le harcèlement, c’est tout d’abord une violence, une violence faite aux femmes. C’est un acte de destruction qui vise à la soumission ». Ensuite, la militante a mentionné un second point important : «aucune femme n’est épargnée par ce phénomène». Qu’elles soient mariées, divorcées, célibataires, jeunes, vieilles, grandes, rondes, voilées ou non, toutes les Algériennes sont des cibles potentielles pour les harceleurs masculins. La conférencière a rappelé que, derrière tous ces chiffres (on dénombre des centaines de plaintes chaque année au travail), ces nombreux cas et exemples de harcèlement sexuel, un véritable drame se déroule dans le silence. Chaque femme touchée par le harcèlement sexuel, c’est une femme qui souffrance quotidiennement. Souvent seule à faire face à ce calvaire, par peur d’en parler, d’être jugée ou de perdre son emploi, beaucoup sombre dans de profondes dépressions conduisant même parfois au suicide.

Le harcèlement n’est pas à prendre à la légère. Des médecins et psychiatres l’ont assimilé à un crime. Au même titre que le viol, il est avant tout une affaire de pouvoir. Celui qui commet son forfait, coupable de chantage, de souffrances et de véritables traumatismes, agit en cachette, loin des regards pour ne pas s’exposer au grand jour. C’est dans l’intimité du huit clôt, dans l’espace fermé d’un bureau que survient le harcèlement qui peut « aller jusqu’au viol » témoigne Soumia Salhi. L’évolution du monde du travail en Algérie n’a fait qu’accentuer le phénomène. Le harcèlement sexuel intervient là où il y a une monnaie d’échange. « Si tu n’accèdes pas à mes demandes tu n’auras pas de promotions, ton contrat ne sera pas renouvelé…». Les contrats à durées déterminées sont de véritables moyens de chantage pour mettre la pression sur les femmes. «Si tu ne fais pas ce que je te dis, tu seras mise à la porte. »

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En 2004, le pays a voulu s’attaquer à ce problème en sortant une loi punissant le harcèlement sexuel. Malheureusement, l’article 341bis du code pénal à vite montré ses limites. Ne sont considérés coupables de harcèlement sexuel, que les personnes ayant hiérarchiquement un statut plus élevé que la plaignante. En d’autre terme, l’harceleur doit avoir un ascendant hiérarchique, un pouvoir sur la victime. L’article stipule « toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction ou sa profession, en donnant à autrui des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle” peut être condamnée pour harcèlement sexuel. La peine requise : un emprisonnement de 2 mois à un an et une amende de 50 000 DA à 100 000 DA. En cas de récidive, la peine est portée au double.

Comme l’a souligné un des hommes présent ce samedi matin à la conférence lors du débat, ce sur quoi il faut vraiment se concentrer, ce sont les moyens d’application de la loi. Sortir de ce modèle patriarcale dans lequel la femme tient le second rôle. Celui de fille, d’épouse ou de mère. On doit permettre aux femmes de prendre leur destin en main. Il faut tendre vers l’égalité des sexes, et c’est de cette manière que cette question du harcèlement sexuel trouvera une solution. Il demeure aussi important d’élaborer des lois qui protègent davantage les femmes.