En Algérie, Dieu est en vacances toute l’année… sauf pendant le Ramadhan

Redaction

Le Ramadhan, mois de piété et de solidarité. Mois de spiritualité, d’ascétisme et de transcendance. Mois de bonté, de générosité et d’altruisme. Toutes ces valeurs prônées, portées et défendues par l’Islam, cette religion éthérée qui accorde peu d’intérêt aux apparences, mais énormément d’importance aux puretés abyssales de l’âme, chaque musulman doit les observer, les cultiver et les propager dans son entourage.

Mais en Algérie, ce pays musulman d’un tout autre genre, le Ramadhan, le mois sacré, est propice à un tout autre comportement. A la place de la solidarité et de l’élégance dans les rapports sociaux, nos rues se transforment en rings où les bagarres et les rixes les plus violentes rythment les journées ramadanesques. Les marchés sont pris d’assaut par une foule de consommateurs affamés dont le seul fantasme est de remplir leurs couffins avec tout et n’importe quoi. Les commerçants profitent naturellement de cette boulimie pour tricher sur les prix et les quantités. Les produits les plus avariés sont écoulés sous les yeux des autorités. Quelques saisies sont enregistrées par-ci et par-là, mais rien n’est fait pour freiner ce marché informel qui veut bourrer l’estomac des algériens, ces êtres éternellement insatisfaits. Manger, prier et dormir, voila le Ramadhan des Algériens résumés en trois mots d’ordre.  L’Islam à l’algérienne consiste à remplir les mosquées, les poches et les estomacs. Quant à la spiritualité, la bonne conduite, l’esprit de partage et de générosité, toutes ces valeurs inscrites en lettres d’or dans notre religion sont reléguées au second plan. Pas le temps pour les bons sentiments en Algérie. L’essentiel est ailleurs. Les apparences dictent leurs règles. Il faut montrer qu’on est un bon musulman pendant ce mois sacré. Mais comment le faire ? Il faut partir se balader dans la mosquée pour écouter les prêches des imams sans chercher à les décrypter pour en tirer une substance morale. Les Algériens portent le kamis, laissent pousser un peu leur barbe, se parfument avec le célèbre « el mesk », psalmodient quelques versets et se font passer pour des moralisateurs toute la journée. Les Tarawihs deviennent des rendez-vous immanquables et les queues, les embouteillages ainsi que les bousculades devant les mosquées sont un spectacle qui donnent le tournis. Les Algériens, un peuple pieux, croyant et pratiquant, voila l’image qu’on cherche à renvoyer à l’étranger, à l’extérieur, à ceux et celles qui ont encore du mal à nous cerner. Mais quelle est la part de vérité dans toute cette hystérie religieuse qui s’empare soudainement du pays ?

Il faut analyser un peu la praxis qui régit la société algérienne pour comprendre que l’hypocrisie est érigée en code de conduite national à l’occasion du Ramadhan. La religion devient cette planche de salut à laquelle s’accroche ces hommes torturés par la mauvaise conscience. On prie pour demander pardon. On prie parce qu’on a pas su protéger son pays contre la corruption, la dépravation financière, les injustices, la hogra et le sous-développement ravageur. En Algérie, on ne prie pas pour remercier Dieu ou pour lui rendre hommage car on sait pertinemment qu’il est en colère contre nous. En colère parce qu’on bafoue durant l’année l’ensemble des idéaux qu’il a imprimé dans son livre sacré. Pendant 11 mois, on martyrise le faible, on méprise l’handicapé, on humilie la femme, on violente les enfants, on laisse faire le mal sous nos yeux, on détruit notre pays avec nos moeurs politiques d’un autre âge, on vole les orphelins et on multiplie les abus de pouvoir. Une fois en Ramadhan, on tente de faire notre mea culpa. En vain, puisque sur le terrain rien ne change en nous. On s’accroche encore à nos mensonges, nos vices et nos complots. Non, le Ramadhan ce n’est pas dormir, prier et manger. C’est d’abord travailler pour l’autre, ce nécessiteux qui n’a pas de quoi faire taire sa faim. C’est entretenir notre pays pour le nettoyer et le protéger contre les fléaux sociaux les plus destructeurs. C’est lutter contre les injustices dénoncées et décriées par le Bon Dieu dans son livre Sacré. Non, dormir, prier et manger, ce n’est pas ça le Ramadhan. Mais que peut-on dire à une société composée de faux-croyants ? Comment remettre sur les rails un peuple persuadé que Dieu est en vacances toute l’année…Sauf pendant le Ramadhan ? Ce peuple là n’a pas besoin de piété. Ce peuple là a besoin d’une prise de conscience.

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