Les jeunes algériens souffrent et sont victimes d’un profond malaise. Les cadres de l’Etat algérien reconnaissent cette amère réalité. Néanmoins, en diagnostiquant les maux de la jeunesse algérienne, les commis de l’Etat estiment que les jeunes sont les principaux responsables de leur malheur. A cette occasion, ces mêmes jeunes doivent « changer de mentalité » s’ils veulent évoluer dans leur vie.
Le voici le constat dressé par les participants à à « la conférence nationale des cadres de la jeunesse » dont les travaux ont débuté dimanche à Alger. Une conférence à laquelle ont participé plusieurs hauts responsables du gouvernement, à l’instar du ministre de la Communication, Hamid Grine, le ministre de la Jeunesse, Abdelkader Khomri, le général-major Abdelghani Hamel, le patron de la DGSN et de nombreux directeurs ainsi que responsables d’institutions publiques et établissements universitaires. Tout ce beau monde devait planter sur la situation de la jeunesse algérienne pour établir une feuille de route qui devrait aboutir à une nouvelle politique nationale en matière de prise en charge des préoccupations des jeunes.
Sauf que pour l’heure, la grille d’analyse adoptée par les participants à cette « conférence nationale » culpabilise davantage les jeunes et minimise la poids des injustices et déficiences des politiques publiques. A titre d’exemple, dans une déclaration à l’APS, le chercheur au Centre des recherches en économie appliquée pour le développement, Mohamed Boukabous, a tout bonnement expliqué le malaise des jeunes Algériens par « la volonté de ces derniers de décrocher un poste d’emploi qui soit sur mesure, sans recourir, toutefois, aux diplômes qui leur faciliteraient pourtant la réalisation de leurs objectifs ». Les jeunes algériens trop gourmands et exigeants ? C’est du moins ce que laisse croire ce spécialiste qui travaille dans un centre de recherche géré par les autorités publiques.
Des autorités qui persistent à croire que les jeunes algériens sont « oisifs » et cette oisiveté les empêche de dépasser l’obstacle du chômage. Pis encore, elle les pousse à se jeter dans les bras de la délinquance. Quelle est donc la solution ? Il faut que les jeunes « changent de mentalité », selon Mohamed Boukabous d’après lequel les jeunes algériens doivent maintenant prendre conscience que la réalisation des rêves « se fait graduellement » et que l’image véhiculée par les médias sur « l’Europe » n’était qu’illusion ».
Illusion ? Oui, les jeunes algériens se bercent d’illusions, ont estimé de nombreux cadres qui ont participé à cette conférence nationale. A ce propos, le conseiller pédagogique à l’Office des établissements pour jeunes, Mohamed El Eulmi, est allé jusqu’à expliquer que les problèmes rencontrés par certains jeunes étaient en fait dus à « la perte de l’identité algérienne », en raison « d’une utilisation excessive des médias et de la défaillance des établissements éducatifs et de la famille dans « la prévention des générations montantes » contre certains fléaux.
Les jeunes algériens souffrent donc non pas en raison de ces injustices et cette exclusion sociale dont ils sont victimes, mais uniquement à cause de leur « perte de leurs repères identitaires ». Une lecture qui, malheureusement, ne colle nullement à la réalité quotidienne des jeunes Algériens. Ces derniers n’ont jamais remis en cause leur « algérianité ». Mais lorsqu’ils réclament un accès au logement, au marché de l’emploi et leur droit de jouir des libertés démocratiques, ils se retrouvent rejetés et réprimés. Mais ce fléau-là, personne n’en a parlé à la « conférence nationale des cadres de la Jeunesse ».
Durant cette conférence, ces « cadres » se sont contentés d’affirmer que les jeunes algériens cherchent un autre mode de vie social pour fuir leur réalité. Un mode de vie qui répond à « un besoin nourri par les chaînes satellitaires et les nouvelles technologies ». C’est donc de la faute des jeunes et de ces nouvelles technologies si la jeunesse algérienne va si mal…