Suspension des soutenances des étudiants de 5ème année, arrêt des travaux de recherche, blocage des locaux principaux, la paralysie est totale à l’école nationale supérieure vétérinaire (ENSV) d’Alger depuis deux semaines. Dénonçant la pression imposée par les professeurs à la solde de l’ancienne direction, une partie des étudiants mènent la fronde.
Que se passe-t-il au juste à l’ENSV d’Alger depuis une quinzaine de jours ? Une tension électrique traverse les couloirs de l’établissement, promu au rang de grande école ouverte aux bacheliers. Ne sachant plus quoi faire pour mettre la pression sur la nouvelle équipe dirigeante, une vingtaine de jeunes de 4ème année parmi les 1.200 étudiants inscrits à l’ENSV fait barrage à l’entrée pour interdire l’accès à tout personnel. Porte-parole du mouvement de grève, Arifki soutient qu’il s’agit là de « leur ultime recours pour faire aboutir leurs doléances ». Parmi leurs revendications, on relève la suppression des notes éliminatoires, qui s’établie pour l’instant à 5/20, et des sujets d’examen jugés trop difficiles. Les étudiants grévistes réclament également le report des synthèses au mois de septembre et la « proclamation des résultats des examens 48 heures après leur déroulement et la remise des copies ».
« Mater les étudiants qui ont le sang chaud »
Dans la tourmente depuis plusieurs mois, l’ENSV d’Alger a fait peau neuve cette année, remplaçant l’ex-directeur Louardi Ghezlane par le professeur Hamdi Pacha Youcef. Une passation de pouvoir nécessaire étant donné que l’ancien directeur, présenté comme « un mafieux qui a mené l’école au désordre » par les délégués de l’Ecole, est inquiété par une enquête menée par la Cour des comptes pour sa gestion trouble des deniers publics en 2008.
Si le chef est parti, ses disciples, des membres de l’équipe pédagogique notamment, sont restés, regrettent les délégués de l’ENSV dans un communiqué qui nous est parvenu samedi 15 juin. Selon ce collectif, certains professeurs « aux ordres de l’ancien directeur » s’acharnent contre les étudiants, « qui ont le sang chaud » comme les désigne les délégués de l’ENSV dans leur communiqué, c’est-à-dire ceux qui ont participé au mouvement de grève massif sous la précédente direction. Parmi les professeurs qui veulent mater les jeunes grévistes, on compte Salima Derdour, Toufik Bentchikou et Ryhan Bouabdellah, accusent ouvertement les délégués de l’ENSV dans leur communiqué. « Ils tournent autour de l’école afin de les provoquer, d’après des sources proches. Ils veulent encore que le monstre [ndlr l’ancien directeur de l’établissement] revienne pour ouvrir la nouvelle école qui se situe à El Alia – Babezouar après que le directeur actuel s’est donné le plus de mal pour apporter de l’innovation, et des idées exceptionnelles dont les autres universités de l’Algérie n’ont pas encore », dénoncent-ils. Autre levier de pression : la notation. Ce groupe de professeur pénalisent les étudiants qui ont maintenu le mouvement de protestation contre Louardi Ghezlane, en sous-notant leur travail.
« Nuire à l’école et au nouveau directeur »
Les délégués des étudiants de l’ENSV en sont convaincus, la réelle cible des transfuges de l’ancienne direction est le dirigeant en poste de l’école. « Par notre intermédiaire, ils veulent nuire à l’école pour porter préjudice à l’actuel responsable et l’empêcher d’être à la tête de la nouvelle école située à el-Alia », affirme Arifki.
Des accusations graves que fustigent les principaux intéressés. Interrogée par le quotidien Liberté, l’une des enseignants ciblés par les étudiants grévistes s’est dite « étonnée » par ces attaques. Ne voulant point « contribuer au déclin de l’école, mon souci est de maintenir le niveau de l’enseignement aux normes qu’exige une école supérieure quelle que soit l’administraion qui est à sa tête », a ainsi déclaré Mme Bouadballah. « Face à ces accusation il n’y a qu’une enquête qui pourrait trancher et renseigner de manière objective sur la situation réelle de l’école et faire la lumière sur ceux qui œuvre pour la casser. Nous voulons que les sujets de tous les enseignants et les copies de tous les modules soient examinés », a-t-elle assuré. Pour elle, “le préjudice est, entre autres, le fait d’enseignants qui ont décidé de ‘punir’ les étudiants de 5ème année, alors que le portail de l’annexe de l’école avait été laissé ouvert pour permettre les soutenances”.
Ce conflit interne pourrait trouver une issue dès aujourd’hui, à l’occasion de la rencontre entre les délégués des élèves et la direction de l’établissement. Mais si leurs revendications venaient à ne pas être entendues, les grévistes donnent déjà rendez-vous à la rentrée en septembre pour maintenir leur mouvement, promet Arifki.