Sociologue à la Caisse nationale (française) d’assurance vieillesse et auteur d’une vaste étude sur les enfants d’immigrés, Claudine Attias- Donfut relève un risque d’échec social plus important.
LE FIGARO.- L’intégration des Algériens et des Africains s’avère-t-elle plus complexe ?
Claudine ATTIAS-DONFUT. – La moitié des enfants d’Africains et un tiers des fils d’Algériens n’ont pas encore 19 ans. C’est une population particulièrement jeune, qui progresse globalement. Mais 10 % sont en échec, selon le témoignage des parents. Un résultat qui tranche avec les autres nationalités et révèle un malaise particulier.
Comment expliquer cette spécificité algérienne ?
Nous n’avons que des pistes. Les travaux menés par des sociologues et des historiens montrent comment le contentieux historique de la guerre d’Algérie encombre les mémoires. La deuxième génération s’est partagée entre des jeunes ultrarépublicains, au sentiment d’appartenance nationale exacerbé qui affichent souvent de belles réussites. Et une minorité plus torturée. Car certains parents sont restés dans l’ambiguïté, éduquant leurs enfants dans le respect des lois mais refusant dans le fond qu’ils deviennent des Français. Cette schizophrénie a touché principalement les garçons. Certains ont concrétisé la rage rentrée de leurs parents contre l’ancienne puissance coloniale. Plus que l’islam, c’est bien l’histoire qui a nourri cette rancœur. Car le risque de marginalisation sociale est bien plus faible pour les descendants des autres pays du Maghreb.
L’intégration des populations venues de l’Afrique noire connaît-elle également des difficultés ?
C’est une immigration très particulière, avec une forte proportion de diplômés dans la première génération. Souvent venus des villes et de milieux bourgeois, les étudiants africains restés dans l’Hexagone ont connu des sorts divers. Mais 30 % ont dégringolé socialement. Ils ont peiné pour négocier leurs diplômes en France et s’ils ont parfois mieux gagné leur vie que dans leurs pays, ils n’ont pas toujours retrouvé leur statut. Cette épreuve a marqué leurs enfants. Beaucoup ont fait des études, dopés par le niveau culturel et le puissant désir de leurs parents de les voir réussir, mais ils ont souvent des difficultés à obtenir des postes correspondants à leurs qualifications.
On a plutôt l’image de migrants venus des zones rurales…
L’immigration africaine est bimodale, avec d’un côté des diplômés et de l’autre des paysans, notamment les Maliens. Le décalage culturel est alors brutal, entre une société africaine très hiérarchisée, où le groupe élève les enfants de façon autoritaire et le modèle français, centré sur l’individu et la pédagogie. Certains migrants n’ont pas réussi, seuls, à imposer une éducation. D’autant que les châtiments physiques sont réprouvés en France. Leurs enfants évoluent dans un monde où personne ne détient plus l’autorité. À cela, s’ajoute un fort risque de discrimination.
Le Figaro