Islam et politique en Algérie : la décantation salutaire n’est pas pour demain

Redaction

Par Salah ZIAD

Mercredi dernier, Khalida Toumi, ministre de la culture a déclaré à la presse nationale que sa décision de relever Amine Zaoui de sa fonction de directeur de la Bibliothèque Nationale n’a aucun lien avec la conférence donnée par le poète et intellectuel syrien Adonis.

Les propos du membre de l’exécutif, se revendiquant de plus en plus d’un mysticisme maraboutique, n’ont convaincu personne. Invité le mois dernier par le désormais ex directeur de la BN, Adonis a quitté Alger en laissant derrière lui une grosse polémique et un flot d’indignations et de condamnations.

Ses propos sur l’Islam et sur certaines figures théologiques actuelles, surtout moyen orientales, n’ont pas laissé indifférents en premier lieu le président de l’association des oulémas. Sur les colonnes de certains titres de la presse algérienne, le « cheikh » a ouvertement condamné l’intellectuel syrien hôte de l’Algérie en l’accusant d’atteinte à la religion musulmane.

De cet épisode qui n’a pas encore livré tous ses secrets, on retiendra l’imbrication entre le culturel donc le politique et le religieux dans un pays où l’usage du débat a disparu depuis une décade. Toute réflexion sur l’Islam revêt forcément un caractère politique et en contre partie le champ politique affiche de plus en plus ouvertement ses prétentions d’englober le religieux.

Autrement dit, les quelques voix qui avaient osé dans le sillage d’Octobre 88 de revendiquer la séparation du politique et du religieux se sont éteintes ou devenues inaudibles.

Depuis quelques semaines, une volonté délibérée de certains agents de l’Etat, allant dans le sens de la manipulation des symboles religieux, s’est lourdement manifestée. On se souvient de la jeune femme traduite devant un tribunal à Tiaret parce qu’elle trimbalait avec elle une bible.

Elle a été accusée de participer à une œuvre d’évangélisation de la jeunesse. Plus près de nous, les jeunes hommes, poursuivis en justice à Biskra pour non observance du carême. Tout récemment encore, une jeune femme incarcérée a été accusée de blasphémer le saint Coran. Signalons que dans tous ces cas, les agents de l’Etat, notamment au niveau de la Justice, se sont comportés d’une manière très peu conséquente. Puisqu’on est revenu sur les verdicts prononcés une première fois.

Assistons t- on, à travers ces cas, à une simple mise en garde à l’adresse de ceux qui oseraient formuler des projets plus élaborés de revendication de la liberté du culte en Algérie ? Remarquons dans ce sens que la naissance du MDSL (Mouvement Démocratique Social et Laïque) n’a suscité aucun intérêt y compris de la part des médias acquis en principe à la laïcité.

Sur un autre plan, les institutions de l’Etat (à bien différencier des agents de l’Etat qui prennent des initiatives jugées maladroites) disputent acharnement la gestion des mosquées à des associations.

Nous ne sommes pas dans le cas du prêche religieux du vendredi qui émane du ministère du culte, pratique courante dans les années 70, mais on n’en est pas loin. Dans certains mosquées, notamment des quartiers périphériques, l’Etat, par le biais de la direction départementale des affaires religieuses, affiche sa volonté de contrôler les lieux de culte. Cette tentative de contrôle s’apparente à celles appliquées à tous les espaces de regroupements des citoyens.

Autrement dit, même après l’accalmie sur le plan sécuritaire, conséquente à l’échec politique consommé et confirmé des organisations terroristes (GSPC et autres sigles), les citoyens fréquentant les mosquées suscitent crainte et suspicion. Pour endiguer tout débordement en provenance des mosquées, pratiquement impossible à contrôler eu égard à leur nombre et à leur éparpillement spatial, l’Etat mise sur les zaouïas.

Celle d’Oran, dite « El Habria », a mobilisé l’essentiel du matériel de la station régionale de l’ENTV (télévision nationale) durant tout le mois de ramadan. Il faut dire qu’elle a reçu des imminences en théologie en provenance des quatre coins du monde. Mais au-delà de cette activité propre à un mois sacré chez le commun des musulmans, cette zaouïa s’est transformée en l’espace de quelques années en véritable centre de pouvoir.

Se laisser voir dans l’enceinte de cette institution est devenu une préoccupation majeure des cadres de l’Etat, surtout ceux qui ambitionnent les promotions et l’accession à des rangs de ministres ou de sénateurs. Une autre interconnexion entre le religieux et le politique.

Mais d’une manière globale, aussi bien la scène politique que la scène sociale foisonnent de discours et de pratiques se réclamant de l’Islam. L’existence d’un marché, dont on ignore la taille et les flux d’argents y circulant, monopole exclusif de certains se revendiquant au moins par leur accoutrement d’un autre islam que celui de nos parents et grands parents, n’échappe à personne.

Le marché de la littérature religieuse, se présentant sur des supports les plus diversifiés, laisse deviner la convergence de gros intérêts matériels entre administration et tenants d’une idéologie religieuse. Rappelons dans ce cadre qu’Abou Djerra Soltani, leader du MSP, avait promis que son courant prendra le pouvoir politique en 2012. En attendant, les membres de son parti accumulent des fortunes. Est-ce le préalable à son projet ?

Comments

Meriem – zaouia et Boutef |86.72.105.xxx |2008-11-16 09:43:21

Les zaouis restent des lieux fermés.On en sait pas beaucoup sur elles. Et Bouteflika renforcent leurs accordent plein de privilèges.sont-elles vraiment dangereuses, en réalité?