La fermeture précipitée de la première mosquée de Papeete à Tahiti, trois jours seulement après son inauguration, n’en finit plus de provoquer le débat sur l’île.
A l’origine, une peur. Celle d’une collectivité d’outre-mer à forte tradition chrétienne qui méconnait le mélange avec la communauté musulmane. A l’arrivée, un immense pataquès et la fermeture du premier lieu de culte musulman ouvert à Tahiti.
La mosquée a été inaugurée le 15 octobre, à l’occasion de l’Aïd al-Kébir, en présence d’une quarantaine de fidèles qui avaient fait le déplacement jusqu’à la salle située au premier étage d’un immeuble discret, en plein coeur de Papeete, à quelques mètres du front de mer. Une soixantaine de mètres-carrés aménagés par Hishan el-Barkani, étudiant de 23 ans, musulman, débarqué de Seine-Saint-Denis à Tahiti il y a tout juste un mois.
Hishan fait le calcul : il y aurait entre 300 et 500 musulmans à Tahiti. Mais aucun lieu de culte. Il fait alors enregistrer, en toute légalité, “le Centre islamique de Tahiti” sous le statut d’association « loi 1901 ». Mais auprès des habitants de l’île, l’accueil réservé en centre s’avère glacial. Des pétitions circulent, les internautes se déchaînent et le site Tahiti-Infos qui relaye l’info se voit contraint pour la première fois de son histoire de fermer ses pages de commentaires.
La polémique s’emballe …
La mairie de Papeete se désolidarise alors de l’initiative de Hishan el-Barkani. L’exécutif affirme n’avoir pas reçu de demande pour transformer des bureaux en lieu de culte pouvant recevoir du public. La mosquée n’avait donc “pas d’autorisation pour ouvrir”. Des responsables politiques nationaux s’en mêlent. L’un des principaux partis d’opposition, A Ti’aPorinetia, réclame que toute la lumière soit faite sur le financement de la mosquée. La télévision diffuse des images de femmes voilées se rendant à la mosquée.
Face à la contestation, “le Centre islamique de Tahiti” a été contraint de fermer ses portes trois jours après son inauguration. Les fidèles n’ont donc pas pu y prier le vendredi. Pire : l’avocate de l’imam affirme que son client a « reçu des menaces de mort ».
… le président et l’évêque tempèrent
Pour calmer le jeu, le président de la Poynésie française Gaston Flosse a précisé dans un communiqué que
la République garantit la liberté du culte et la liberté de conscience sur tout le territoire national. Ce principe essentiel de nos libertés fondamentales est inscrit dans la Constitution française, et est naturellement valable en Polynésie française. Dans notre pays cohabitent parfaitement de nombreux cultes.
Et d’ajouter “bien que terre traditionnellement chrétienne, la Polynésie est aussi une terre accueillante, et il ne faut pas tomber dans l’islamophobie.” Ainsi, Gaston Flosse a estimé qu’il n’était “pas nécessaire d’obtenir une autorisation particulière” pour ouvrir un lieu de culte musulman.
Lui emboitant le pas, le pasteur Taaroanui Maraea, à la tête de l’Église protestante de Tahiti, a appelé à « faire la distinction entre les différentes formes d’intégrisme et rappeler ce qu’est vraiment l’islam : une grande religion avec de grandes valeurs. »