La mise en en détention provisoire du jeune blogueur Abdelghani Aloui pose de vrais problèmes, à la fois politiques et juridiques. Car, plusieurs jours après que le jeune algérien ait été mis derrière les barreaux, personne n’arrive à comprendre l’attitude des autorités politiques et judiciaires concernant une affaire qui a pourtant l’air d’être banale.
Plus d’une semaine après la mise sous écrou du jeune homme, ni les parents de l’accusé ni son avocat ne savent de quoi il en retourne. Pis, même les accusations portées contre lui semblent relever de la fiction. Car, en plus d’être accusé d’atteinte « à des institutions » sans spécifications, Abdelghani Aloui est également poursuivi pour « apologie de terrorisme ». Pourquoi ? Les gendarmes ont découvert, chez lui dans la banlieue de Tlemcen, deux écharpes sur lesquelles est écrite la formule « la Ilaha illa Llah ». Un délit ? Cela dépend de l’interprétation des juges. Car, selon Amine Sidhoum, l’avocat du jeune homme, l’article 87-bis du Code pénal qui porte sur la condamnation d’apologie au terrorisme est très vague. Pis, ajoute l’avocat interrogé par El-Khabar, l’écharpe trouvée dans le domicile familial de son client n’a rien d’extraordinaire. « Il a acheté cette écharpe dans un marché. Autant arrêter, alors, ceux qui vendent ces objets », dit-il encore.
Sur Youtube, une vidéo montre le jeune Abdelghani en train de tenir des propos djihadistes et un discours religieux qui frôle avec le fanatisme. Mais cela justifie-t-il pour autant son emprisonnement ? Cette question alimente une véritable polémique en Algérie notamment sur les réseaux sociaux. En revanche, le père du jeune homme, avec qui il travaille, dit lui aussi son étonnement. « Je pensais que cette écharpe sert à supporter l’Es Sétif », confesse-t-il au même journal. Lui aussi, il ne sait pas pourquoi son fils est en prison. Mais il tient quand même à faire la part des choses : Abdelghani Aloui n’a ni été arrêté ni été brutalisé. Le père et l’avocat attestent que le jeune blogueur a été bien traité et que c’est lui-même qui s’était rendu à la gendarmerie à Alger. Quel en fait son crime ? Apparemment pas grand-chose ; puisque là encore, il y a trop de généralités. Aloui a-t-il porté atteinte au chef de l’Etat ? Possible. Sauf qu’un détail ne doit échapper à personne : sur la toile, des milliers d’Algériens se moquent, chaque jour, des personnalités publiques. Personne n’a été arrêté. Pourquoi lui ? Amine Sidhoum n’a pas de réponse formelle, mais il tient sa petite idée : les autorités veulent faire d’Abdelghani Aloui un exemple de dissuasion.
Une chose est en revanche certaine : cette énième affaire d’atteinte aux libertés a donné une nouvelle fois du grain à moudre aux ONG de défense des Droits de l’Homme. Amnesty International s’est notamment saisie de l’affaire. Cela n’arrangera certainement pas les affaires du pouvoir.
Essaïd Wakli