La criminalité qui affecte les mineurs algériens semble démanger le gouvernement qui envisage de réétudier l’âge de la responsabilité pénale. Si les députés s’allient à cette proposition de loi les enfants de 10 ans auteurs de crimes et délits pourraient finir en prison, si la justice les condamne.
Il ne s’agit que d’un projet de loi mais déjà il soulève l’ire des protecteurs de l’enfance. Le ministre de la Justice, garde des sceaux, Tayeb Louh a présenté d’après l’APS, ce mardi, le projet de loi amendant et complétant l’ordonnance 156-66 portant code pénal devant les membres de la Commission des affaires juridiques, administratives et des libertés de l’Assemblée populaire nationale (APN). Parmi les propositions de cette réforme, la protection pénale des mineurs a une part importante, notamment avec l’éventuelle rabaissement de l’âge de la responsabilité pénale.
En effet, le projet de loi propose de définir à 10 ans l’âge minimal pour l’établissement de la responsabilité pénale au lieu de 13 ans. La modification pénale garantirait toutefois aux enfants âgés entre 10 et 13 ans de bénéficier en priorité des mesures de rééducation, c’est-à-dire les place dans des centres fermés. Donc la rééducation serait prioritaire à l’emprisonnement, mais cette deuxième option pourrait tout à fait être envisageable par les juges si les députés venaient à approuver cette loi.
Punir est-ce protéger ?
Il est vrai que la criminalité des mineurs prend une ampleur inquiétante en Algérie. D’après un bilan annuel de la gendarmerie nationale présenté en juin dernier entre 2008 à 2012, 3 153 mineurs étaient impliqués dans des affaires criminelles. Or sur ces affaires seulement 9 % concernaient des mineurs âgés entre 10 et 14 ans, alors que la majorité des cas implique plutôt la tranche des 18 – 21 ans. Un épiphénomène mérite-t-il la modification d’un loi ? Punir les délinquants ou criminels mineurs assurera-t-il réellement la protection de l’enfance et de la société ?
Du côté de associations qui côtoient la délinquance et la criminalité juvénile, l’âge de la responsabilité pénale n’est pas le problème numéro 1 de l’Algérie. Arar Abderrahmane, président du réseau de protection de l’enfance NADA, ne comprend, d’ailleurs, pas pourquoi le gouvernement met la priorité sur ce point, alors que « la criminalité infantile touche très peu, voire jamais les enfants de moins de 13 ans. » Même constat pour Farouk Ksentini, avocat et président de la commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’Homme, qui estime que cette proposition est « une ineptie, sur quelle base peut-on proposer cette loi ? La responsabilité pénale établie à 13 ans représente-t-elle un risque pour la société, y a-t-il eu une étude scientifique qui a prouvé qu’à partir de 10 ans nous étions responsables ? Rien de tout cela. »
Dans sa chasse à la criminalité, le gouvernement a sans doute souhaité mettre en place une mesure symbolique,car pour les acteurs de la protection de l’enfance, la punition ne rendra pas responsables ces enfants au contraire. « Si cette loi est modifiée dans ce sens ce serait très grave. Un enfant de 10 ans ne peut pas subir les procédures judiciaires et une peine de prison, ce serait traumatisant pour lui », estime encore Arar Abderrahmane. Et d’ajouter, « ce n’est pas adéquat, est-ce que la prison est la réponse à tout ? Je ne crois pas. Ces enfants méritent de la rééducation et non de la répression ».
Ailleurs dans le monde…
Difficile de dire si un enfant de 10 ans peut avoir la maturité nécessaire pour discerner le bien du mal dans ses actions et par conséquent être tenu responsable d’actes punis par la loi. Il est à noter que la majorité des pays dans le monde ont établi la responsabilité pénale autour des 13-14 ans* comme les pays scandinaves, la France, l’Italie, la Chine ou le Japon. De nombreux pays l’établissent également en dessous du seuil des 13 ans comme quelques Etats américains, en Suisse ou au Bangladesh où elle est fixée à partir de 7 ans. Toutefois rien ne prouve que dans ces pays la criminalité juvénile ait reculé. « Tout pays avancé a établi l’âge minimum de la responsabilité pénale à 13 ans », estime de son côté Farouk Ksentini et même, « le législateur doit intégrer l’idée que la notion de responsabilité commence surtout à 18 ans », a-t-il insisté en dernier lieu.
*données de l’Unicef