La célèbre présentatrice de la chaîne télévisée Al-Jazeera, Khadidja Bengana porte plainte et entame une procédure judiciaire contre l’ancien ambassadeur de la Tunisie à l’UNESCO, Mezri Haddad pour les propos à caractère diffamatoires qu’il a tenus à son encontre, en direct sur la chaîne France 3, affirmant entre autres qu’elle avait exposé « l’humanité d’Hitler » publiquement.
C’est à partir de la 36e minute de l’émission Ce soir ou jamais, diffusée en direct sur France 3 le 5 février dernier, que M. Haddad a commencé à s’attaquer personnellement à Mme Bengana, la présentant d’abord comme « une vedette admirée par l’opinion arabe » avant de lui prêter des propos antisémites qu’il dit avoir lu sur la page Facebook de cette dernière. M. Haddad avait noté ces déclarations sur papier pour les lire en ondes. Le présentateur de l’émission, Frédéric Taddéi s’est montré sur la même longueur d’onde que ce dernier en ne le contredisant pas et en l’interrompant pour confirmer ces paroles : « Elle a parlé d’humanité d’Hitler. On a déjà tout compris. »
L’ancien ambassadeur est allé jusqu’à se prononcer sur les raisons qui auraient poussé Mme Bengana à porter le voile, indiquant qu’elle « était très belle avant de le vêtir » et que sa décision était une « réaction à la France (…), au racisme et à l’islamophobie ». Mme Bengana a considéré ces jugements sans connaissance de cause comme étant « des déclarations blessantes et infantilisantes » en plus d’être « une marque de mépris à l’égard de sa personne et de sa dignité ».
Aussitôt informée de tous ces propos infondés, Khadidja Bengana a publié un démenti explicite sur ses deux comptes Facebook : un en langue arabe et un autre en langue anglaise et a demandé à ce qu’ils soient diffusés à large audience. Plusieurs médias, dont le site Internet de la chaîne Al-Jazeera, pour qui elle travaille, ainsi que le journal algérien El-Khabar ont retransmis ces communiqués.
Démenti en langue anglaise de Khadidja Bengana
Mezdi Haddad paraîtra devant la justice française
Les propos tenus par M. Haddad « ont largement dépassé les limites de la liberté d’expression », a fait remarquer Mme Bengana, les qualifiant de « diffamatoires et attentatoires à sa réputation ». Les déclarations de cet ancien ambassadeur sont « inacceptables dans un débat public », a-t-elle mentionné, ajoutant qu’il a ainsi « contribué à ternir gravement son image ». La présentatrice vedette a donc décidé de porter plainte contre Mezri Haddad en entamant une procédure judiciaire, afin que ce dernier soit sanctionné pour ces « accusations mensongères ». La chaîne France 3 fait elle aussi l’objet d’une plainte. Khadidja Bengana se réserve pour l’instant de porter l’affaire devant les tribunaux.
Mezri Haddad dit cependant disposer « de toutes les preuves matérielles qui étayent les propos » qu’il a tenus sur France 3, « y compris le traçage informatique de la fameuse page Facebook piratée ». D’autre part, le directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin a offert une tribune au diplomate tunisien sur le site Rue89 pour lui permettre de s’expliquer.
Cet événement fut par ailleurs l’occasion pour la présentatrice télé de faire savoir à cet ancien ambassadeur qu’il n’occupait pas une bonne position pour se donner le droit de lui porter préjudice en lui répondant : « Je connais parfaitement vos idées d’ancien fonctionnaire de Ben Ali.»
Précisons que les allégations antisémites citées par Mezri Haddad le 5 février sur France 3 avaient été démenties le 31 janvier par Khadidja Bengana sur son compte Facebook, afin d’alerter le public de l’incident.
Mezri Haddad énonce les propos diffamatoires en direct sur France 3 à Ce soir ou jamais.
Diffusions médiatiques sans vérifications
Mme Bengana souligne qu’ « avant de proférer d’aussi graves accusations », M. Haddad aurait dû prendre « trente secondes de son temps pour vérifier leur véracité et il lui aurait été possible de savoir que ces propos inventés de toutes pièces lui avaient été attribués le plus fallacieusement du monde ». La femme d’origine algérienne rappelle que des propos malicieux sont couramment attribués à des personnalités du domaine médiatique par des personnes malintentionnées, qui pour faire passer leurs messages, piratent par exemple le compte Facebook de ces personnalités publiques afin de publier des propos pouvant leur causer un tord irréparable, attestant que ce fut son cas.
Khadidja Bengana signale avoir dénombré 15 comptes Facebook portant son nom et avoir demandé à la direction du site de les supprimer, puisqu’elle n’en était pas l’administratrice. Des individus et organisations non identifiés auraient créé de faux comptes pour lui attribuer des affirmations controversées, a-t-elle expliqué. D’après elle, certains de ces comptes « sont manipulés par les partis politiques voulant mener des campagnes de propagande dans le cyber espace pour gagner la bataille du printemps arabe », ajoutant que depuis le début, certains régimes « tentent de discréditer les journalistes d’Al Jazeera. Elle a donc déclaré ne pas être responsable de tout ce qui avait pu y être publié.
La présentatrice télé précise d’autre part qu’ « environ 30 sites web auraient publié ces fausses déclarations en moins de 72 heures » et qu’aucun d’entre eux n’aurait pris le temps de la contacter pour vérifier s’il s’agissait bien de ses propres déclarations avant de les diffuser. Celles-ci ont été retransmises en langue française, allemande, italienne, espagnole, portugaise et russe. Yahoo, Russie Al-Yawm et certains sites d’organisations juives font partie des médias ayant publié ces allégations fabriquées de toutes pièces.
Des sites d’informations complices du piratage ?
Le site d’informations israéliennes desinfos.com est convaincu que Khadidja Bengana est bel et bien l’auteure des propos publiés en faveur d’Hitler le 11 janvier dernier sur son compte Facebook. On pouvait entre autres y lire : « Hitler était très tolérant envers les musulmans et leur allouait des heures de prières » en plus d’y voir des photos, dont une en noir et blanc montrant des soldats musulmans de l’armée allemande prier.
La justice française s’occupera maintenant de rétablir les faits, tandis qu’une société spécialisée dans la cybercriminalité basée à Londres se souciera d’empêcher l’utilisation illicite de son nom.
Marie-Pier Boucher