Pour éviter les incohérences et les divergences dans la pratique de l’Islam en Algérie, la coordination des imams prône la mise en place d’une institution des fatwas. Elle appelle à une unification « des esprits » algériens trop influencés par les différents avis religieux extérieurs au pays.
L’idée n’est pas nouvelle, mais elle commence à germer. Une institution de la fatwa pourrait bien voir le jour en Algérie. C’est en tout cas la volonté de nombreux religieux du pays. Le ministre des Affaires religieuses et des wakfs, Bouabdallah Ghlamallah, avait indiqué en juin que son département ministériel avait proposé officiellement la création d’une institution de la fatwa. Désormais c’est le secrétaire général de la Coordination nationale des imams et des fonctionnaires des affaires religieuses, cheikh Djelloul Hedjimi, imam de la mosquée Cheikh El Fodhil El Ouartilani à Alger qui relance l’idée. Évoqué deux fois en deux mois, les institutions religieuses du pays semblent vouloir à tout prix concrétiser ce projet.
Dans un entretien accordé à l’APS cheikh Djelloul Hedjimi a estimé qu’une institution officielle de la Fatwa harmonisera les avis sur « diverses questions religieuses qui intéressent le citoyen algérien sur la base du rite malékite qui constitue le référent religieux algérien. » « Ceci a pour objectif d’unifier les esprits et d’éviter l’émergence de contradictions dans la société en raison de fatwas hétéroclites qui se développent ici et là », a-t-il indiqué, évoquant ainsi le même argument que le ministère des Affaires Religieuses.
Cesser l’influence extérieure
En effet chaque année apporte son lot de fatwas, parfois cohérentes, et d’autres fois totalement incongrues. Plusieurs pays musulmans ont leur institutions chargées d’émettre des fatwas et de conseiller les croyants du monde entier, comme en Egypte avec la fameuse université islamique comme l’Egyptienne Al-Azhar. Régulièrement ces institutions mais parfois aussi des imams qui s’auto-proclament muftis donnent des avis différents sur des questions primordiales. Il faut dire que les interrogations sont de plus en plus nombreuses, dans un monde où il est indispensable d’allier religion et modernité.
Or certains savants vont parfois loin dans leur interprétation du Coran. Un aspect dénoncé par le ministère des Affaires Religieuses et des Wakfs, « ceux qui prononcent des fatwas controversées sont des personnes indépendantes des institutions officielles de la fatwa et leurs acolytes appartiennent à des institutions parallèles et n’ont pas d’influence sur les Algériens », avait-t-il prévenu, le mois dernier. Même écho du côté du bureau des fatwas du ministère : « nous mettons en garde contre ces fatwas sollicitées auprès d’ulémas non algériens car véhiculant des messages pouvant altérer l’intérêt suprême du pays, nos référence et intégrité religieuses », rappelait de son côté l’imam Guessoul. Pour la coordination des imams le danger vient surtout des organes audio-visuels qu’il faut consulter avec une « extrême prudence », précise-t-on, et il ne faut pas se fier au premier religieux qui apparaît à la télévision.
Mais si le bureau avertit le public algérien il ne lui interdit pas « de contacter ces ulémas mais plutôt un rappel sur l’impératif de connaître leurs tendances ». Alors que faire pour uniformiser et apaiser les Algériens ? Pour cheikh Djelloul Hedjimi de la coordination des imams, seule une une institution officielle composée de compétences et de cadres chargés de promulguer un décret (avis) religieux, pourra offrir des réponses correctes aux musulmans en Algérie.
Un mufti de la République algérienne
Cheikh Djelloul appelle même à la création du poste de « mufti de la République », pour centraliser les fatwas. Ce dernier estime que « les erreurs de fatwa ne sont pas nouvelles dans les sociétés musulmanes », appelant les savants « à ne pas contribuer à la destruction de la nation islamique ». Selon l’imam, le savant devra être un homme « sage », et doit examiner sa fatwa sous tous ses angles, ses avantages et ses inconvénients, afin qu’elle ne soit pas exploitée à des fins personnelles, politiques, confessionnelles ou partisanes, mais plutôt pour sauvegarder la structure de la société musulmane.
La rédaction avec APS