« L’affaire Sonatrach est la preuve qu’il y a de vrais journalistes d’investigation en Algérie »

Redaction

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Invité par l’Ecole de journalisme d’Alger, Christophe Boisbouvier, rédacteur en chef de la Radio internationale française (RFI) et chroniqueur chez Jeune Afrique, a livré dimanche sa vision du traitement médiatique en Afrique. Fin connaisseur du continent, ce reporter porte un regard plutôt positif sur l’émancipation des médias algériens. Un avis loin d’être partagé par les étudiants en journalisme, présents à la conférence.

« La presse algérienne est de plus en plus crédible et indépendante depuis l’avènement du multipartisme en février 1989. Une presse libre ça passe effectivement d’abord par l’établissement d’une société démocratique », a déclaré Christophe Boisbouvier, en marge d’une conférence sur la couverture médiatique de l’Afrique, à l’université de Ben Aknoun.

Second facteur qui explique, selon lui, la libéralisation des médias algériens : la concurrence internationale. Même si l’ouverture de l’audiovisuel dans le pays tarde, les Algériens s’informent énormément via les sites internet et les chaînes d’information étrangères, estime Christophe Boisbouvier.

Mais, d’Alger à Paris, la profession souffre d’un déficit de confiance, regrette le grand reporter. « Dès qu’il y a des révélations sur des dossier brûlants on soupçonne tout de suite le journaliste d’être manipulé par tel ou tel clan. Il y a un manque de respect vis-à-vis de notre métier », déplore-t-il. Pourtant, « l’affaire Sonatrach est la preuve qu’il y a de vrais journalistes d’investigation en Algérie », affirme Christophe Boisbouvier.

« En Algérie on aborde jamais les tabous »

Dans la salle de conférence, on n’en est pas si convaincu. A commencer par le modérateur du débat, qui tempère l’idée avancée par l’invité. « On a beau compter une centaine de quotidiens nationaux en Algérie, ce n’est qu’une façade démocratique », estime Belkacem Mostefaoui, professeur à l’Ecole de journalisme d’Alger. Son étudiante Louisa va plus loin. Pour elle, les autorités algériennes ont lâché du leste et laissent penser les pays étrangers que la presse nationale est réellement libre, mais, dans les faits, les carcans demeurent. « Pour lui [ndlr Christohpe Boisbouvier], comme il est étranger, la presse est libre en Algérie, mais, en réalité, elle n’est pas si indépendante qu’il veut bien le croire. Prenez l’exemple de la maladie du Président Abdelaziz Bouteflika. C’est toujours un tabou et en Algérie on aborde jamais les tabous. C’est comme ça », confie Louisa. « Le Matin a voulu briser l’omerta et parler de tout. Regardez les conséquences, il n’existe plus qu’en ligne », poursuit-elle. Le web, c’est le seul vrai espace de liberté pour un journaliste algérien, estime Louisa, qui envisage d’ailleurs une carrière dans cette filière après son master II socioculturel.

L’avenir est au journalisme d’investigation

Honnête, le rédacteur en chef de RFI avoue que la pression des autorités politiques sur le journalisme, souvent qualifié de « quatrième pouvoir », est une réalité en France aussi. Sur le dossier du Sahara occidental, RFI est influencée par la vision de L’Elysée, qui défend la position marocaine, même si elle a sa propre correspondante sur place, reconnait Christophe Boisbouvier. « On donne plus souvent la parole au ministre des Affaires étrangères français », confie-t-il. Et, face aux pressions gouvernementales, seule une solidarité entre médias peut assurer la transparence de l’information. « Il y a des moments où il faut laisser de côté la concurrence entre les médias » pour se battre collectivement, affirme Chirstophe Boisbouvier.

Si « l’avenir des médias appartient aux enquêteurs et aux organes de presse, qui investissent dans le journalisme d’investigation », comme le prévoit le rédacteur en chef de RFI, il est grand temps que ce type de journalisme, encore à l’état embryonnaire en Algérie, de développe aussi ici…