L’Afrique se retrouve bien souvent dans les nouvelles en occident seulement quand elle rentre dans la case qui a été créée pour elle ou quand cela correspond à un ordre du jour occidental. Un journaliste britannique chevronné a pu déclarer lors d’un atelier des journalistes à Abuja que l’ont parle du Nigéria dans les médias britanniques seulement quand il s’agit de mauvaises nouvelles. Il n’y aurait donc pas de bonnes nouvelles en provenance du Nigéria ?
Fin juin sur France 24 tout ce qu’on pouvait voir, c’était le « criminel » Uhuru Kenyatta qui échappait au procès à la Haye et la « crise » au Togo. Ces deux nouvelles rentrent dans la case traditionnelle d’un « peuple incapable de bien faire par lui-même sans un coup de main ».
L’occident pousse l’histoire d’une Afrique dépendante qui continue d’avoir besoin de l’aide, mais la réalité du continent montre que les africains gagneraient à profiter de l’échange international.
À continuer à enfermer l’Afrique dans cette case étriquée de l’aide étrangère, de la pauvreté, des maladies, des dictateurs criminels, de la famine etc., les citoyens de l’hémisphère Nord sont privés de l’expérience réelle de l’Afrique : un continent qui est en passe de changer et d’évoluer comme la dernière frontière du monde en développement. Ils ne sauront pas que le changement déferle sur le continent et que le ce dernier se lève rapidement, au-delà des stéréotypes et des ordres du jour occidentaux.
Aujourd’hui, on trouve des programmes spéciaux sur les principales plates-formes d’information, dédiés au progrès en Afrique par exemple, African Voices (Voix africaines) de CNN et African Dream (Rêve africain)de la BBC, une série sur les entrepreneurs africains à succès.
En dépit de cela, les Kenyans ont dû créer #SomeoneTellCNN sur les médias sociaux pour remettre les pendules à l’heure face à un flash d’actualités alarmant sur CNN relativement à une (inexistante) « Violence au Kenya ».
Autre exemple : le documentaire de la BBC Welcome to Lagos (Bienvenue à Lagos) dépeignait une micro-réalité sordide de la vie à Lagos, mais en la présentant comme la norme. Il serait juste d’avoir une suite décrivant une ville qui monte.
Cela dit, généraliser en labellisant quelques plateformes médiatiques « médias occidentaux » est aussi injuste qu’une généralisation de 54 pays en une seule réalité.
Quels reportages pourraient être produits par les journalistes africains eux-mêmes pour que des nouvelles plus positives parviennent en Europe ou aux USA ?
Ce n’est pas tant le reportage lui-même qui compte que le chemin qu’il prend pour arriver en occident. Il existe de nombreux reportages d’Afrique qui reflètent un continent en mouvement, mais la plupart d’entre eux resteront limités à des auditoires africains.
Il y a une population croissante de jeunes en Afrique qui commencent à montrer un intérêt dans la politique et la gouvernance.
De plus en plus de Nigérians retournent au pays parce que, contrairement à avant, leur patrie, dans certains cas, offre bien davantage de promesses que les anciens « verts pâturages » qu’ils cherchaient à l’étranger.
La diaspora africaine a transféré 60 milliards de dollars au continent en 2012. Il doit certainement y avoir une histoire à raconter sur la façon dont ces sommes ont été gagnées. Générer 60 milliards de dollars doit avoir nécessité beaucoup d’activités productives à la diaspora d’un continent soi-disant pauvre, surtout quand il coûte plus cher d’envoyer de l’argent en Afrique que partout ailleurs dans le monde.
40% des Africains vivent dans des centres urbains. Ce chiffre est de 45% en Chine et 30% en Inde. Cela montre qu’une classe moyenne est effectivement en pleine croissance (qui attire les investissements dans les biens de consommation et les biens de plus en plus luxueux).
De plus en plus l’Afrique profite de la culture de l’Afrique. Dans certains pays africains, les films nigérians sont plus populaires que les films hollywoodiens. Ce n’était pas le cas avant.
Les maladies et la pauvreté ne sont plus la norme. Il y a encore de la faim, comme il y a aussi de la prospérité. Il nous faut donc un « histoire » équilibrée qui raconte toute l’expérience de l’Afrique, plutôt qu’une expérience trop déséquilibrée vers la gauche ou vers la droite.
On ne peut vraiment connaître l’Afrique tant qu’on ne l’a pas vue et rencontrée par soi-même. Tant que nous ne verrons pas l’Afrique à travers les yeux des Africains, nous continuerons à subir l’illusion de la vraie Afrique.
Japheth Omojuwa, analyste sur www.AfricanLiberty.org. Article publié en anglais sur AfricanLiberty.org.