L’espoir est à nouveau permis en Algérie. Tout n’est pas encore perdu et les abysses du conservatisme ambiant n’ont pas aspiré, tels ces trous noirs dans l’espace galactique, vers elles tous les Algériens.
Pour la première fois de l’histoire de notre pays, un rassemblement de protestation qui s’attaque à l’intolérance religieuse n’est pas réprimée. Un rassemblement où des citoyens issus de divers horizons, laïques, démocrates, fervents croyants, socialistes ou nationalistes, se sont réunis pacifiquement pour défendre ensemble la tolérance, la liberté de conscience et dénoncer la persécution de ceux et celles qui ne partagent pas les mêmes pratiques cultuelles avec la composante majoritaire de notre société. Le samedi 03 août 2013 restera pour longtemps une date significative dans l’histoire du combat pour le respect de l’autre et de sa différence. Il sera certainement inutile de faire de cette date un symbole que le temps effacera de la mémoire. Mais il sera toujours important de rappeler que ce jour-là, quelques centaines de citoyens ont osé porter sur la place publique l’immanquable débat sur la liberté religieuse.
Naguère, Algérie rimait toujours avec obscurantisme, fanatisme, exclusion et rejet de l’autre. C’est une réalité qui demeure encore ancrée dans notre réalité sociale si complexe et si répugnante par ses fléaux inqualifiables. Toutefois, même dans ce terrain miné par la corruption, le mensonge et l’hypocrisie, la liberté progresse et triomphe de ses obstacles. Et comme un morceau de liberté n’est jamais la liberté, des Algériens ont pris conscience de la nécessité de se lancer dans le combat en faveur de la tolérance, cette vertu à l’ombre de laquelle des sociétés prospères et heureuses ont été bâties. Et comme une foi n’est tolérable que lorsqu’elle est tolérante, des Algériens ont saisi l’importance de remettre en cause ce discours religieux ravageur qui leur a été inculqué depuis leur enfance : point de respect pour ces compatriotes qui ne jeûnent pas, ne prient pas et ne croient pas.
Oui, les années de terreur ont été digérées. Les années d’incertitude et d’incompréhension dépassées, le temps est venu de se donner cette gifle tant attendue pour revenir à la réalité. Celle que nos ancêtres, qui ont accueilli sur leurs terres diverses civilisations, nous ont transmises à travers les âges : la tolérance mène au respect, le respect mène à l’amour, l’amour mène à la liberté et la liberté mène au bonheur. Il aura fallu passer par des déchirements identitaires, des doutes culturels et des misères spirituelles pour comprendre ce message séculier et séculaire. L’Etat et ses forces répressives ont également brillé par leur présence inoffensive ce samedi à Tizi-Ouzou. Aucun matraquage, ni passage à tabac ni arrestation musclée. Les autorités ont-elles compris que la liberté de conscience ne s’emprisonne pas ? Peut-être. En tout cas, l’attitude de nos forces de l’ordre contraste avec celle de notre voisin marocain, pourtant chéri par les démocraties occidentales, où pour avoir manifesté contre la libération d’un violeur de 11 ans, des manifestants se sont retrouvés avec le visage ensanglanté.
Peu importe enfin si nos manifestants étaient 100, 200 ou 300 à avoir répondu présent au carrefour de Matoub Lounès à Tizi-Ouzou. Peu importe s’ils ont mangé en plein Ramadhan ou s’ils ont bu de l’eau, du jus ou du vin. Peu importe ce qu’ils ont dit ou scandé. Le plus important, c’est leur présence, leur participation et leur adhésion à un appel qui dit halte à l’inquisition et à la haine de celui qui ne me ressemble pas. Attention, ne crions pas victoire. Rien n’a encore été fait. Tout vient de commencer. Et heureux celui qui a assisté aux bons commencements. Il comprendra qu’il n’y a « point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage », comme disait le bon vieux Périclès.