Traduit en arabe et intitulé « Kifa7i » (كفاحي), le livre de l’idéologie nazie « Mein Kampf » s’affiche dans la vitrine d’une librairie algéroise, face à la Grande Poste. Étonnante exposition de l’ouvrage antisémite en terre arabe.
Mélange entre biographie et projets politiques, Adolf Hitler écrit ces quelques 900 pages en prison entre 1924 et 1925, après le coup d’Etat raté auquel il avait participé. Il y expose toute l’idéologie nazie, la « suprématie de la race aryenne » et y décrit les sémites comme une « race inférieure », qu’il entreprend par la suite d’éliminer.
Le livre est interdit de vente dans plusieurs pays, à commencer par Israël. Les Pays-Bas l’ont aussi proscrit. En Allemagne, c’est l’Etat régional de Bavière en Allemagne qui détient tous les droits et empêche sa réédition intégrale ou partielle pour éviter son exploitation par des groupes d’extrême droite et néo-nazis. En France, « Mein Kampf » a le statut de document historique et reste disponible à la vente sur le net. Il doit tomber dans le domaine public en 2016. Donc, même si la plupart des pays européens n’ont pas interdit sa vente, le livre est absent des rayons de libraires.
En Algérie en revanche, le livre est bel et bien disponible. Et à la disposition du plus grand nombre. Une version arabe de « Mein Kampf » a été aperçue à Alger, en plein centre-ville, dans la vitrine d’une librairie faisant face à la Grande Poste.
Cette version est éditée par une maison d’édition égyptienne. La traduction est le fait de Farid Al Fallouji. L’ouvrage circule depuis longtemps dans les pays arabes, et a été traduit dès les années 1930 et à plusieurs reprises. Il figurait même l’année dernière parmi les livres « recommandés » par Virgin au Qatar et au Bahreïn. La présence de « Mein Kampf» en arabe, parmi les autres livres, paraît complètement anodine à Alger. Nul ne s’arrête, offusqué, devant la vitrine du libraire. Nul n’émet la moindre réserve sur sa vente libre. Il y jouit même d’une très bonne diffusion. Le libraire nous a confié que c’est l’un des livres qui se vend le mieux dans sa librairie algéroise. Symbole contre le peuple juif, deux arguments pour sa lecture, surtout dans certains pays comme l’Egypte et la Palestine. Mais on oublie bien souvent que l’antisémitisme n’est pas seulement la haine du judaïsme. Arabes et juifs ensemble sont le peuple sémite, descendants de Sem (سامي).
La vente de ce livre et son succès se discutent. Sa présence en librairie, est-ce vraiment un exemple de liberté d’expression ? Ou sa lecture, de la propagande et une incitation à la haine ? Faut-il encore que les lecteurs prennent conscience de sa portée historique et idéologique, que des esprits éclairés rejettent sa philosophie antisémite : anti-juif et anti-arabe. « Mein Kampf » fait beaucoup parler de lui ces jours-ci. Il apparaissait dans la liste des livres « recommandés » par Facebook le 26 août, sur le profil d’un utilisateur belfortain. Le réseau social y a rapidement remédié et l’a retiré de la liste.