Le Ramadhan aux Îles Canaries par Léna, 19 ans, française et musulmane

Redaction

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En Algérie, pays où la religion musulmane domine, le mois de Ramadhan est rythmé par l’observation des préceptes religieux. Jeûne, prière, charité et partage sont le quotidien de la plupart des Algériens pendant ce mois sacré. Dans le même temps, nombre d’excès sont pointés du doigt : gaspillage, profusion alimentaire inconsidérée, bagarres et veillées nocturnes déraisonnables défraient la presse algérienne depuis le début du Ramadhan. Nous avons voulu savoir comment les musulmans vivent ce temps de foi et de communion dans d’autres pays. Nous avons donc demandé à des jeunes musulmans autour du monde de nous raconter leur Ramadhan.

Léna a 19 ans. Française d’origine sénégalaise et martiniquaise, elle habite en banlieue parisienne. Cette année, elle passe le Ramadhan aux iles Canaries, un archipel espagnol situé à environ 150 kilomètres des côtes marocaines. Pour Léna, la religion musulmane est plus « un héritage familial et culturel » qu’un choix spirituel. « Je suis musulmane parce que ma mère l’est et que j’ai été éduquée dans cette religion », précise-t-elle.

Si l’islam n’est pas pour elle un choix, Léna ne rejette, cependant, pas ce legs familial. La jeune femme se définit comme musulmane pratiquante. « Je prie tous les jours et je jeûne pendant le mois du Ramadhan », explique-t-elle. « Mais je sais que je ne pratiquerais pas autant si ma mère ne m’y poussait pas ».

Le Ramadhan, Léna le vit donc en famille. Cette année, le mois sacré tombe pendant les vacances universitaires, et la jeune femme se trouve donc aux Iles Canaries. Bien que l’archipel soit dominé par la religion catholique, imposée par les colons espagnols dès leur arrivée, la communauté musulmane y est très présente. « Je pense qu’il est plus facile de jeûner dans un pays musulman, car tout le monde jeûne et donc tout le monde est plus compréhensif et les horaires sont adaptés au jeûne », affirme Léna. Malgré tout, le jeûne reste un défi physique. Pour conserver le même rythme de vie que le reste de l’année avec l’estomac vide et la bouche sèche, Léna organise ses journées mieux qu’à l’ordinaire. « D’habitude, je me lève pendant la nuit pour manger, et ensuite je vais me recoucher. Mais cette année je ne me lève pas, car je suis trop fatiguée. Le matin je me réveille et je vaque à mes occupations. Vers 18h ou 19h, je prépare à manger pour le ftour. Je cuisine avec ma famille. Ensuite, aux alentours de 22 H, je romps le jeûne, en famille », détaille-t-elle.

 Comme en Algérie, la préparation du ftour occupe donc une place centrale dans la journée de la jeune femme. Situées au carrefour de l’Afrique, de l’Amérique et de l’Europe, les Iles Canaries possèdent une tradition culinaire riche de ses multiples influences – espagnoles, portugaises, latino-américaine et africaines. Certains produits emblématiques de l’archipel, comme les bananes rouges, les avocats ou les papayes, se retrouvent sur la table du ftour. Pommes de terre et poissons, deux ingrédients essentiels à la cuisine canarienne, sont relevés avec de la coriandre, du cumin, du thym, du laurier, de l’anis ou encore du safran.

La question du sens à donner au jeûne est très présente dans la démarche de Léna. « Le Ramadhan est un mois qui a pour but la purification du corps et de l’âme. En effet, le fait de jeûner me permet de prendre du recul, de me concentrer sur des sujets plus profonds et plus sérieux qu’en temps normal », explique-t-elle. Pour elle, le jeûne s’accompagne également de la charité (Zakat), 4e pilier de l’Islam. « Le mois de Ramadhan permet aussi de se mettre à la disposition des plus démunis. Avec ma famille, il nous arrive de donner des plats que nous avons cuisinés à nos voisins musulmans. De manière plus large, cela m’encourage à faire l’aumône tout au long de l’année », affirme la jeune femme.

Pour Léna, le Ramadhan est donc avant tout un moment de réflexion, de partage familial et de service. C’est aussi une épreuve qui lui donne de la force pour le reste de l’année. « Le Ramadan m’apporte de la confiance en moi car je me dis que si je peux jeûner pendant un mois, je peux accomplir plus de choses que je le pense, » explique-t-elle en dernier lieu.