Les « Bayrates », les pestiférées de l’Algérie

Redaction

Avouons-le. Notre société éprouve toutes les peines du monde pour se libérer du régime de la pensée unique. Surtout en ce qui concerne les questions relatives aux droits et libertés des femmes. Oui,  les femmes sont visiblement devenues personae non grata dans notre société. Enfin, les femmes oui, mais pas toutes : si vous, une bonne ménagère qui écoutez attentivement les conseils et instructions de ces religieux qui peuplent nos écrans pendant le Ramadhan, alors là, oui vous serez les bienvenues dans cette société algérienne définitivement fermée sur son machisme.

Un machisme  qui se drape toujours sous la pseudo théorie, anthropologiquement difficile encore à prouver, « de la fille de bonne famille ». Exit les femmes émancipées qui travaillent et assument leur indépendance, les femmes actives dont l’indépendance financière dérangent au plus haut point nos hommes fiers de leur virilité. Certes, de plus en plus d’Algériennes forcent les portes de l’espace public et s’imposent dans la fonction publique, les entreprises privées ou les corps constitués de l’Etat. Mais à quel prix ? Et cela a-t-il vraiment transformer les mentalités en Algérie ? Malheureusement, non ! Les préjugés, les stéréotypes, le sexisme,  la discrimination et tous les autres dérivés du conservatisme n’ont jamais été aussi vigoureux. Aussi paradoxal que celui puisse paraître, les acquis de la femme algérienne n’ont jamais été aussi contestés qu’en 2013 où le système patriarcal algérien, ne supportant pas sa remise en cause, se bat pour conserver sa propre domination.

Preuve en est, en 2013, en Algérie, on continue à diaboliser la femme célibataire, celle qui a fait le choix de ne pas soumettre sa vie aux desiderata d’un homme dominateur. La femme célibataire est aux yeux des parrains du système patriarcal le symbole de la décadence d’une mythique civilisation musulmane. C’est à cause de cette femme qui refuse de se marier et de procréer que la société musulmane va mal. Pis encore, c’est à cause de cette femme célibataire que les enfants échouent à l’école et croupissent dans les rues pour céder aux tentations de la délinquance. C’est aussi à cause de cette femme célibataire que la frustration sexuelle martyrise les hommes dont le seul désir et de posséder finalement un esclave au lieu d’aimer et de faire jouir une partenaire. Traquer et déclarer la guerre à la femme célibataire, un être laid, moche et forcément générateur de misère humaine à en croire l’imaginaire collectif qui régit les relations entre les algériens et algériennes, le voici le but ultime de ces patriarches terrifiés par ces brebis galeuses.

Pour s’en convaincre, il suffit de faire le spectateur devant nos séries télévisées qui passent en boucle durant nos soirées ramadanesques sur les télévisions algériennes. Partout, la femme célibataire est peinte sous des traits de diablesse, pauvre, miséreuse, malheureuse, infortunée, manipulatrice, inélégante, méchante avec sa langue de vipère et sa mauvaise fois, ect. Son sort tragique émeut, bouleverse et, surtout, fait réfléchir. La femme, son seul destin, est d’épouser un homme pour le satisfaire et donner, ainsi, un sens à sa vie. Le message a beau être subliminal, il demeure néanmoins direct et explicite. Quand elle n’est pas violentée à souhait, la femme célibataire est décrite comme une personne corvéable à merci. Souvent, elle incarne le rôle du boulet que traîne les familles algériennes. Les parents ne supportent plus de les voir nui et jour toute seule sans un maître protecteur qui veille sur sa bonne conduite. On ne rêve dés lors que de s’en débarrasser car au fur et à mesure des années elle devient une charge lourde. Cette mythologie cinématographique puise ses origines dans notre vécu social. Une femme célibataire est toujours perçue comme un danger pour la société. Et lorsque cette femme gagne encore son indépendance, travaille et innove, on la conçoit comme une bombe à retardement.  Sous prétexte de conserver une femme « féminine » et « pure », la femme célibataire et active devient presque une catin. Ses moeurs sont soigneusement décryptés. Ses tenues passées à la loupe. On l’accuse de déviance et de satanisme. Le célibat des algériennes a ouvert finalement la boite de Pandore du sexisme et de la phallocratie. L’Algérie de 2013  reste enfermée dans son traditionnel immobilisme au prétexte d’une élégante religiosité à la mode wahhabite.

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