Mariage : et si les Algériens suivaient davantage leur coeur que leurs poches

Redaction

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Les Algériens souffrent d’un grand mal-être. Un mal-être qui peut apparaître comme paradoxal : l’amélioration des conditions de vie, l’accroissement de la longévité, certes inégalement partagés, l’augmentation du pouvoir d’achat en dépit de l’inflation galopante, retour de la sécurité après des années de violences. 

Et pourtant, simultanément, un climat d’inquiétude, d’insatisfaction et de doute ronge les Algériens jusqu’à leur moelle. Ce malaise, cette inquiétude, reflète l’intuition selon laquelle les évolutions de la société algérienne sont marquées par des incertitudes qui laissent une large place au doute. Or l’Algérien a, profondément ancré en lui-même, un besoin de croire, disons-le autrement, un besoin de certitude, et le doute n’est plus permis ! Malheureusement, pour effacer le doute, l’homme a besoin d’amour. Et l’amour en Algérie est toute une problématique qui mérite les dissertations philosophiques les plus complexes. La complexité, justement c’est notion qui normalise les relations entre les hommes et les femmes en Algérie. Des relations en perpétuel codification. Certes, les moeurs évoluent.

Les femmes s’émancipent peu à peu. Les hommes tentent d’échapper aux poids des traditions. Mais la liberté demeure prisonnière des contradictions. Des contradictions qui déchirent la société algérienne depuis des lustres. Les Algériens ont été condamnés depuis de longues années à regarder la modernité de loin, à la désirer comme une femme fatale inaccessible, à fantasmer sur elle sans trop l’approcher. Dans ce contexte, le sentiment amoureux prend une dimension mélodramatique. Les Algériens tentent de s’aimer en véhiculant dans leur tête leur complexité identitaire et leurs contradictions profondes et enfouies dans leur moi. Les couples se forment tout en se faisant la guerre en permanence. L’homme essaie d’asseoir son pouvoir  sur la femme. La femme essaie, quant à elle, d’imposer sa particularité. Le dialogue se met en place. En vain car le substrat social qui squatte notre inconscient fouette rapidement notre bon sens.

On se marie donc sans faire la paix avec son âme. Sans accepter réellement l’autre dans son authenticité, sa diversité. Par conséquent, les chiffres du divorce explose. Selon les statistiques de l’Office National de Statistiques (ONS), de 2007 à 2011, le divorce a connu une hausse de 61%, passant de 34 123 à 55 490 cas enregistrés. La répudiation demeure en première position des demandes de divorce. En cinq ans, 106 614 femmes ont été répudiées. D’autre part, les femmes sont de plus en plus souvent obligées de recourir au khol’â pour se libérer d’une vie conjugale infernale. En 2007, 2466 ont rompu leur union moyennant une compensation versée à leur mari alors qu’en 2011, ce nombre est passé à 7559. Ces chiffres, qui sont en continuelle évolution, témoignent d’une rupture du  lien marital. Les mariages en Algérie se consomment la nuit pour se défaire le lendemain. La non-communication créé l’incompréhension.

Et l’incompréhension suscite la dispute. La dispute tourne souvent au drame. La violence conjugale prend des proportions alarmantes. Et les tribunaux font à la fin le travail de psychologue pour réconcilier l’irréconciliable. En plus, le matérialisme et le mercantilisme ravage ce qu’il reste de ces relations éphémères. Une récente enquête sociologique a prouvé que la majorité des Algériens se marient par raison et rarement par amour.  D’après cette enquête, 65,24 % personnes interrogées dans le cadre de cette enquête ont reconnu qu’ils ont fait un mariage de raison. En revanche, “le mariage d’amour en représente 30,90 % et l’ensemble des autres voies, y compris les annonces sur Internet représente moins de 4 %”, nous apprennent les auteurs de cette enquête. D’un autre côté, dans 52 % des cas de mariage de raison, ce sont les parents qui prennent l’initiative de chercher une femme à leurs fils. Dans 22 % des cas, ce sont les parents qui suggèrent leurs filles à d’autres familles considérées comme “de potentiels alliées” en arguant que leurs progénitures sont des “filles de bonne famille”. Face à ces données extravagantes, faut-il s’étonner encore que le divorce explose en Algérie ? Pas si sûr…