N’est-il pas temps de répudier nos voitures ?

Redaction

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Accidents de voiture en Algérie

Les mots ont un sens et les Algériens le savent très bien. Ce sens peut varier dans le temps ou en fonction du contexte d’énonciation, mais le mot suggère toujours quelque chose, suscite une réaction spécifique chez le lecteur ou l’auditeur. Le mot « répudiation » est fortement évocateur, éveille presque à coup sûr une alarme ou un avertisseur chez celui qui y est confronté. 

Et aujourd’hui, les Algériens ont vraiment besoin d’être avertis. Leur dépendance vis-à-vis de la voiture, cet objet métallique qui revêt une dimension symboliquement affective auprès de nos compatriotes, doit cesser de toute urgence. Nos rues grouillent de voitures aussi neuves les unes que les autres. Mais la pollution, les embouteillages, les désagréments qu’elles provoquent s’aggravent de jour en jour. Deux heures pour joindre le centre de la capitale ou même la banlieue, une heure en plus bloqué dans les bouchons routiers causés par les multiples barrages sécuritaires, une autre heure à tourner en rond pour trouver un stationnement, la vie d’un automobiliste algérien se confond cruellement avec celle d’un interné dans un asile psychiatrique. Dur, dur de conduire en Algérie. Le constat est dressé part tout le monde notamment ceux et celles qui parcourent des longues distances pour rejoindre leur lieu de travail.

La voiture, naguère symbole de l’ascension sociale, signe d’émancipation et de réussite, se transforme aujourd’hui en une véritable malédiction. Un fardeau sans compter le péril qu’elle incarne à cause des ces tragiques accidents de la circulation. Des accidents qui tuent une moyenne 11 Algériens par jour. Qui l’eût cru ? Un massacre à ciel ouvert alimenté par ces bolides que les Algériens importent massivement de l’étranger, payant ainsi rubis sur ongle leur voyage au bout de la mort.

Oui, la voiture, c’est le progrès, la modernité et la liberté de circulation. Mais dans un pays comme l’Algérie où le réseau routier est déstructuré, archaïque et mal-entretenu, la voiture est beaucoup plus le facteur d’une hémorragie. Une hémorragie de devises car la facture des importations de véhicules de l’Algérie  ne cesse d’exploser pour atteindre, pendant le premier semestre de cette année en cours, au moins 4,3 milliards de dollars ! Une addition très salée pour un pays où l’accès aux soins, aux médicaments et la disponibilité des produits alimentaires continuent à causer problème. Qu’aurait pu faire l’Algérie avec la moitié de cette somme titanesque ? Avec 4 milliards de dollars, combien d’écoles auraient été équipées de chauffage à l’approche de l’hiver ? Combien d’hôpitaux auraient pu être équipés d’appareils de radiothérapie pour soigner nos cancéreux abandonnés à leur sort ?

L’Etat est conscient de cette réalité amère. Après une léthargie qui a duré des années, il tente de se réveiller. Dans le projet de loi de finances pour 2014, il est, enfin, question de limiter l’importation des véhicules aux seuls concessionnaires automobiles. Selon ce projet, cette mesure vise « à remettre de l’ordre sur le marché national du véhicule neuf, gagné par l’informel ». Le ministère des Finances prévoient aussi d’autres dispositions, « comme l’interdiction des concessionnaires de véhicules d’importer pour le compte d’autres concessionnaires en dehors de leur propre réseau de distribution, ou de consentir des crédits d’achat à leurs clients ou encore l’obligation d’installer une activité industrielle ou de service dans un délai de trois ans, sont par ailleurs proposées dans le but de limiter l’anarchie qui règne sur le marché automobile en Algérie », explique-t-on. Mais cela suffira-t-il à pousser les Algériens à répudier leurs voitures ?

Pas si sûr en l’absence de transports en commun dignes de ce nom. Comment garer sa voiture dans son garage si on ne peut même pas monter dans un bus sans à avoir à subir des brimades ou l’indélicatesse des autres ? Comment éteindre le moteur de sa voiture lorsqu’on a un réseau ferroviaire sous-développé et ne couvrant que quelques régions dans le nord du pays, un métro d’à peine 9 Km, un tramway d’uniquement 15 Km et des taxis complètement anarchiques ? Sans des mesures concrètes pour mettre en place un réseau de transports en commun conforme aux normes internationales, la voiture restera la seule planche de salut de l’Algérien. Et pourtant, en achetant son véhicule neuf, chaque Algérien paie une taxe destinée à alimenter un fonds national dédié à développer les transports publics. Mais tout cet argent qui a été injecté dans ce fonds a servi à quoi exactement ? Pour l’heure, personne ne le sait. Il est grand temps qu’on dise toute la vérité. Il est temps surtout d’envisager la vie sans les vrombissements d’un véhicule…