Noureddine Hakiki, professeur de sociologie et directeur du Laboratoire du changement social à l’université d’Alger 2 (Bouzaréah), estime que « le viol collectif n’est qu’un aspect de la violence collective » qui sévit dans le pays. « Sociologiquement, explique-t-il, il y a une nouvelle génération de jeunes, socialement majoritaires, qui essaient d’imposer leurs propres valeurs, leur propre comportement ».
Selon le sociologue, « cette jeunesse vit une crise d’intégration, une crise d’inclusion sociale ». « Au moins un tiers de cette génération sont des jeunes décrocheurs, c’est-à-dire ils sont en situation de décrochage aussi bien familial, scolaire que social. C’est un groupe social décrocheur ».
« Cet acte de violence n’est souvent pas programmé. C’est comme une bagarre qui se déclare soudainement. Pour les violeurs c’est un acte de défoulement, comme ils se défoulent dans les stades », ajoute-t-il.
Quant aux raisons de ce fléau, le sociologue explique que « l’extrémisme religieux a inculqué à cette génération une conscience religieuse fausse ». De ce fait « la femme est rejetée, elle n’est pas acceptée dans l’espace public. Elle est n’est pas respectée et harcelée en permanence. C’est ce regard violent que portent ces ratés de la socialisation vis-à-vis de la femme ».
«Une irrationalité en termes de valeurs sociales est ainsi née chez ces décrocheurs. Ils croient qu’en violant la femme, ils prendront une revanche sur elle. Et la crise d’autorité aussi bien familiale, scolaire qu’institutionnelle, les réconforte dans leur raisonnement car ils se sentent assurés de l’impunité », analyse le sociologue.
Quant aux conséquences sociales, le viol fait naitre chez la famille et les proches de la victime une « fausse solidarité ». « Sous le poids de la morale sociale, la victime et sa famille subissent mais ne réagissent pas. Ils n’en parlent pas de crainte d’être déshonorés », conclut le Pr Hakiki.
Yacine Omar