Certaines femmes trouvent de plus en plus de difficultés à trouver un travail en Algérie. Non parce qu’elles ne remplissent pas les critères de sélection, mais parce qu’elles sont voilées. Leur voile les expose à toutes sortes de discriminations.
Obtenir un emploi ou continuer à porter le voile, tel est le dilemme face auquel se retrouvent plusieurs femmes dans un état constitutionnellement musulman. En effet, le voile représente, pour certaines entreprises et institutions de l’état, un obstacle majeur au recrutement. Comment arrivent-elles à prendre une décision, à trancher entre défendre leurs principes et convictions ou céder aux dictas de l’administration. A chacune son histoire…
Un entretien d’embauche écourté d’avance
«Quand je me suis entretenue, par téléphone avec la directrice des ressources humaines, elle semblait très impressionnée par mes compétences. Cependant, dès qu’elle m’a reçu en entrevue, elle a écourté la rencontre. Je me suis sentie vexée, mais elle m’a expliqué que l’entreprise préférait des filles non voilées, car ces dernières étaient plus cool et plus ouvertes. J’ai essayé de protester, mais en vain. Je n’avais pas le choix. »
Leila, 24 ans, infographe
«J’ai fini par céder…»
«Après avoir décroché haut la main ma licence en interprétariat, j’ai galéré pour trouver un travail. Trois ans après, alors que je désespérais, j’ai été recrutée dans une multinationale en qualité de traductrice. Je travaillais directement avec le Directeur général. Je commençais à m’épanouir dans mon nouveau job quand mon responsable directe m’exigea d’enlever le voile si je désirais conserver mon poste. Choquée par cette demande et après mûres réflexions, j’ai fini par trouver une solution intermédiaire. J’enlève le voile, le matin à mon arrivée, et je le remets à ma sortie, comme ça j’ai la paix».
Salima, 28 ans, journaliste
«Je me suis révoltée contre ma famille…»
«Depuis ma tendre enfance, mon rêve était de rejoindre les rangs de la police. Mes parents n’avaient aucune objection. J’obtiens mon bac avec mention et je décide de devenir policière. Cependant, il y avait un sérieux obstacle à la réalisation de mon désir : le voile. J’étais face à un sérieux dilemme : le garder et tirer un trait sur ma carrière professionnelle ou l’enlever et affronter ma famille. J’ai enfin décidé, contrainte, de ne plus porter de voile. C’est malheureux, mais on est poussé, à cause de la discrimination à sacrifier nos convictions. Le pire c’est que l’inspection de travail ne fait rien pour nous protéger»
Amel, 32 ans, hôtesse de réception
«Sous la pression, j’ai démissionné»
«Je me suis attirée les foudres de mon employeur, coureur de jupons, à cause de mon voile. Pourtant, quand j’ai été embauché, je portais le foulard. J’ai fini par démissionner de mon poste à cause du harcèlement quotidien et des mauvaises remarques de mon supérieur. Quand je me suis tournée vers l’inspection, ces derniers se sont dits impuissants car je devais déposer plainte et porter mon affaire devant les tribunaux. Cela allait me prendre des années, j’ai préféré aller chercher un autre job».
«Où est la loi contre la discrimination ?»
Une jeune femme rencontrée nous a affirmé qu’elle a constaté qu’elle recevait plus de réponses quand elle envoyait son CV avec une photo sans le voile. En effet, les employeurs, qui ne veulent pas de femmes voilées, les écartent au moment de l’embauche. Bien entendu, le voile n’est jamais avancé comme première cause du refus, même si cela semble évident dans certains cas. La question qui se pose aujourd’hui est : jusqu’à quand la femme algérienne sera confronté à des conduites aussi ségrégationnistes ? N’est-il pas temps de se révolter contre une attitude très loin de respecter la personne telle qu’elle est ? Pensez-vous réellement que le voile puisse empêcher une femme à s’épanouir sur le plan professionnel ?
Nadine Belbey (FocusElles)