Le mois de Ramadhan approche à grands pas, mais la date de début du jeûne est encore incertaine. Pour l’instant, on sait que le Ramadhan 2014 commencera le 28 ou le 29 juin. Mais comme chaque année, le doute persiste et engendre des polémiques au sein de la communauté musulmane. Une question se pose de manière récurrente ces derniers jours : faut-il s’en remettre à l’observation lunaire pour déterminer le début du Ramadhan ou doit-on faire confiance au calcul astronomique ?
Communiqué de l’Association Sirius d’astronomie : le premier croissant de lune ne sera pas visible vendredi 27 juin
L’Association Sirius d’astronomie a publié ce jeudi matin un communiqué dans lequel elle affirme que, selon ses calculs, le premier croissant de lune ne sera pas visible vendredi 27 juin, et donc que le mois de Ramadhan débutera le dimanche 29 juin plutôt que le samedi 28.
« Le vendredi 27 juin 2014, le croissant du mois lunaire correspondant au mois de Ramadhan 1435 sera impossible à observer sur tout le territoire national tant à l’œil nu qu’avec des instruments optiques vu que la Lune se couchera avant le Soleil (4mn avant et 1°1/2 en dessous de l’horizon à Alger) et quasiment avec le Soleil pour les Wilayas du Sud, » peut-on lire dans le communiqué. « Il découle de l’impossibilité de l’observation du croissant lunaire que le 1er du Ramadhan ne pourra donc être le samedi 28 juin mais bien le dimanche 29 juin si l’on s’en tient a l’observation visuelle du croissant. Notons que même s’il était permis l’observation d’autres pays tels que ceux d’Afrique australe pour lesquels la Lune se couche après le coucher du Soleil, l’observation est impossible à l’œil nu quoique possible au télescope à l’Ouest de d’Amérique du Sud. »
Un débat qui menace l’unité de la communauté musulmane
Ce communiqué s’inscrit dans un débat qui ne cesse de diviser la communauté musulmane. Depuis plusieurs années, ce débat se cristallise autour de la Nuit du doute. Pour mémoire, la Nuit du doute, prévue cette année pour le vendredi 27 juin, doit permettre aux organisations du culte musulman de déterminer la date de début du Ramadhan, et ce grâce à l’observation lunaire. En effet, le début du mois de jeûne (mois de Chaabane) est déterminé par la lune : si le premier croissant de lune est visible à l’œil nu, alors le début du Ramadhan est fixé au lendemain ; sinon, la date est reportée d’une journée. La même méthode d’observation lunaire doit permettre de fixer la date de l’Aïd al-Fitr, jour de rupture du jeûne.
Or, cette méthode d’observation lunaire est aujourd’hui contestée. Aux partisans d’une interprétation stricte du Coran s’oppose un courant moderniste, qui soutient que l’astronomie peut légitimement permettre de déterminer la date de début du jeûne.
La polémique avait été particulièrement vive l’année dernière en France. Alors que le Conseil français du culte musulman (CFCM) avait choisi d’adopter la méthode du calcul astronomique, de nombreux musulmans avaient rejeté cette décision. S’en était suivie une cacophonie de grande ampleur, une partie des fidèles commençant le jeûne le 9 juillet, les autres attendant le 10.
La querelle n’est donc pas uniquement théorique. Au contraire, elle engage l’unité du peuple musulman dans une période qui devrait pourtant marquer la communion de la communauté toute entière. Chaque année, les pays musulmans se déchirent autour de cette question. Tandis que les pays du Maghreb (dont l’Algérie) et l’Arabie Saoudite s’en tiennent à la méthode traditionnelle, la Turquie, la Libye ou encore le Liban ont d’ores et déjà fixé le début du mois de Ramadhan au 28 juin.
Deux méthodes justifiables
Les partisans des deux méthodes tentent sans relâche de justifier et de légitimer leur choix. Quels sont donc les avantages respectifs que l’observation lunaire et du calcul astronomique ?
Selon ses défendeurs, l’observation lunaire, à l’œil nu, est la seule méthode légitime pour déterminer la date de début du jeûne. L’observation lunaire serait ainsi un des fondements de la loi coranique. Par ailleurs, étant majoritaire, cette méthode permet l’unité des musulmans du monde, tandis que les voix discordantes sèment la division.
Ces arguments sont défendus par de nombreux musulmans à travers le monde. Fateh Kimouche, auteur du blog Al Kanz, assure que « 99% des avis religieux dans le monde sont pour l’observation ». Le président de l’Union des mosquées de France, Mohammed Moussaoui, explique quant à lui que « pour certains, l’observation de la lune à l’œil nu fait partie de l’acte d’adoration lui-même et ne peut donc faire l’objet d’aucun effort intellectuel en vue de lui substituer quoi que ce soit ».
Évidemment, cette explication n’est pas partagée par les partisans du calcul astronomique. De leurs côté, ces derniers soulignent la précision sans faille des calculs astronomiques contemporains. Ahmed Jaballah, théologien et ancien président de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), développe cet argument : « Il y a quatorze siècles, les musulmans n’avaient pas d’autres moyens, l’astronomie n’était pas une science aussi développée et le calcul n’était pas fiable. Mais aujourd’hui il est exact ». De plus, face à la multiplicité des levants de lune à travers le monde, le calcul astronomique permet l’unification de la communauté musulmane affirme le président du Collectif des musulmans de France (CMF). Tariq Ramadan note également que le calcul astronomique permet de déjouer la « compétition politicienne » des pays musulmans. Enfin, le recours à la science assure un plus grand confort aux fidèles, puisqu’il leur permet de s’organiser à l’avance.
Chaque camp défend donc ardemment sa méthode et rejette les arguments de l’autre camp. Pourtant, observation lunaire et calcul astrologique pourraient aboutir au même résultat…