L’Algérie est en deuil. Oui, elle l’est vraiment. Elle est en deuil parce qu’elle a perdu un ancien Président de la République, le troisième en presque une année. C’est triste et accablant. Mais le deuil des Algériens est causé aussi par le perte d’une valeur naguère si chère à l’identité et la culture Algérienne, à savoir la solidarité. Oui, cette solidarité que nos autorités n’éprouvent plus à l’égard des couches les plus défavorisées de notre société. Cette solidarité, dont ont cruellement besoin les franges les plus précaires de notre pays, n’a plus lieu d’être. Oui, dans cette Algérie des années 2000, l’Etat met facilement, et sans rechigner, un avion à la disposition d’un ancien Président, mais ces milliers de citoyens cancéreux qui souffrent en silence et meurent à défaut d’un simple rendez-vous en radiothérapie, l’Etat ne s’en soucie même pas.
Ce n’est guère de la surenchère. C’est la juste vérité amère que nous dicte l’imbécillité de notre temps. Une imbécillité qui produit constamment du mépris et de l’indifférence. D’ailleurs, ces émotions intensément négatives régulent désormais les rapports de nos autorités avec les malades atteints de cancer. Manque de médicaments, traitements retardés pendant des mois, prise en charge thérapeutique inadaptée et des rendez-vous en radiothérapie attendus des mois durant par au moins 28 mille patients cancéreux. Tel est le tableau sombre que le regretté Ali Kafi n’a certainement pas eu le loisir de découvrir puisque lui, en tant qu’ancien Président, c’est-à-dire un Algérien forcément pas comme les autres, a le droit de bénéficier d’une prise en charge dans un hôpital huppé à Genève en Suisse. Oui, Genève est devenu ces dernières années l’hôpital privé des dirigeants algériens. Ces derniers ne supportent pas le parfum nauséabond de la souffrance de leurs compatriotes qui s’entassent dans les chambres impropres des établissements de santé en Algérie. Nos dirigeants ne connaissent pas la détresse de leurs citoyens qui sont martyrisés par la pénurie de médicaments. Nos dirigeants n’ont jamais entendu le cri de désarroi des 28 000 cancéreux en attente d’un rendez-vous pour la radiothérapie. Pour soigner ces derniers, l’Algérie ne dispose que de 13 machines de radiothérapie alors que pour couvrir ces besoins, notre pays a besoin d’au moins 70 appareils.
L’Algérie, un pays qui manque d’argent pour s’offrir des appareils de radiothérapie ? Certainement pas puisqu’il se permet le luxe de prêter au FMI et d’envoyer illico presto, et par avion, un ancien Président dans un établissement spécialisé de Genève. Pour se soigner à l’étranger, nos gouvernants n’ont jamais manqué d’argent. Mais pour soulager les souffrances de nos cancéreux, nos autorités ont toujours trouvé des excuses. Quoi qu’il en soit, la colère ne changera guère quelque chose. Le deuil va encore durer quelques jours pour nos hauts responsables, ces Algériens d’en haut. Mais pour les Algériens lambda, à savoir les Algériens d’en bas, le deuil dure déjà depuis plusieurs années…