Viols, agressions et frustration sexuelle en Algérie : « Nous avons besoin d’une révolution des esprits »

Redaction

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« Les viols et les agressions sexuelles dont sont victimes les Algériennes prouve, aujourd’hui, que nous vivons dans une non-société », note d’emblée la sociologue Wahiba Djani, qui a été révoltée par le sort horrible réservé à deux jeunes filles mineures violées par 40 hommes, à la forêt du parc zoologique de Ben Aknoun à Alger. 

« Nous avons plus que jamais besoin d’une révolution des esprits pour pouvoir lutter convenablement contre ces fléaux horribles. A cause du conservatisme ambiant, les esprits sont complètement fermés dans notre pays. On ne fera que régresser, si nous n’adoptons pas un nouveau discours social sur les viols et agressions sexuelles », explique à Algérie-Focus la sociologue. Wahiba Djani estime, ainsi, qu’il faut cesser d’utiliser la « religiosité » pour bloquer les « esprits ». « L’Islam condamne et punit vigoureusement ces crimes. Mais dans notre société, la parole n’est même pas encore libérée sur le sujet », regrette notre interlocutrice, qui propose de produire un nouveau discours social pour aborder la délicate question de la frustration sexuelle qui perturbe considérablement la jeunesse.

Rappelons que le débat sur le tabou qui caractérise les conséquences de la frustration sexuelle en Algérie, ne date pas d’aujourd’hui. En juin 2010, Hayet Abboud, chercheuse à Faculté des Sciences humaines et des sciences sociales à l’université Mentouri de Constantine, a publié une brillante étude concernant la violence sexuelle en Algérie, qui « souvent tue » parce qu’elle est un « tabou infranchissable ». Selon elle, la violence sexuelle « continue jusqu’à nos jours à faire des ravages dans toutes les couches de la société: femmes, enfants des deux sexes, et bien sur les hommes. Le silence trône majestueusement sur toutes les sphères de la société ».

Certes, il y a quelques rares éclaircies. La presse évoque quelques viols, de temps en temps, dans l’anonymat bien sûr », nuance Hayet Abboud. Mais, aujourd’hui, les Algériens considèrent qu’il « ne faut surtout pas élever la voix, c’est mal d’en parler. Nous sommes un peuple sain. Les tares et les tarés, c’est ailleurs, c’est dans cet Occident avili. Nous sommes des puritains », déplore Hayet Abboud qui cite l’analyse du Dr Dj. Ben Abdallah pour étayer ses propos.   » Il a bien illustré cette attitude typiquement algérienne, couronnée du déni de l’existence, de faille dans notre profil typologique, dans notre race, il dit : « Notre société a développé les mécanismes de défense de type projectif : les tares appartiennent aux tarés, aux autres sociétés » », a-t-elle raconté dans son étude.

Pour sa part, Nassera Merah, sociologue et militante pour la défense des droits des femmes, considère que le conservatisme de la société algérienne est « une manière qui couvre les auteurs des agressions sexuelles pour désigner l’hypocrisie sociale ». Selon notre interlocutrice, en 2015, les familles algériennes s’échinent à  garder « secrets » les cas de viols et d’incestes « au détriment des victimes ». Des victimes qui sont étouffées, cachées ou mariées de force afin d’effacer « le déshonneur », analyse-t-elle. Nassera Merah insiste aussi sur la libération de la parole comme première étape pour lutter contre le fléau de la violence sexuelle. « Lorsque nous essayons de soulever cette question, on nous accuse de dissolution des mœurs et d’encouragement du dévergondage », regrette cette sociologue sur un ton dépité et estime que « la montée de la bigoterie et l’hypocrisie religieuse » ont  augmenté, d’après notre interlocutrice, « la permissivité de ces crimes actes en faisant croire aux violeurs que leurs actes sont justifiés par les tenues provocantes des filles ».