Voleur lynché à Akbou: Dieu n’a jamais demandé à l’un de nous d’agir en son nom

Redaction

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Voleur Akbou

Ce qui s’est passé à Akbou est inqualifiable parce que nous avons suivi en images une démonstration de lâcheté collective. Des centaines de personnes ont encouragé une mise à mort, par leurs cris ou par leur silence. Il n’y avait que des hommes.

Ils ont voulu exécuter un voleur au nom d’une justice collective, celle qui est hypocrite par nature puisqu’elle est anonyme et qu’elle n’obéit ni à celle de Dieu ni celle des hommes. La foule ne sait pas rendre la justice. Elle agit à l’instinct et réagit à l’instant.

Des internautes ont dû être abusés par les échanges curieusement calmes entre le policier près de la victime et un barbu dont les propos étaient écoutés attentivement, comme si le sort de l’homme suspendu par les pieds dépendait de l’issue de la négociation. Cela a suffi pour déchaîner les passions des internautes.

Tout y est passé entre la vison « très particulière de la prétendue démocratie en Kabylie », la mainmise des salafistes, l’absence d’Etat, les règlements de compte régionalistes, l’impuissance des policiers ou leur complicité, la foule de sauvages, les jeux de cirque du temps des gladiateurs, un Néron invisible, le peuple assoiffé de sang etc…etc…bref tout ce qu’il faut pour donner encore une fois de l’Algérie, l’image d’un pays sans  repère, où la même foule de moralisateurs à bon compte, ira aussitôt remplir les mosquées croyant avoir obéi à Dieu en appelant au châtiment du voleur.

Dieu n’a jamais demandé à l’un de nous d’agir en Son nom. Il attend de nous dans notre grande sagesse, qu’on respecte Ses commandements à la condition que nous soyons irréprochables. Le sommes-nous vraiment ? Nos anciens dans de pareilles circonstances auraient convoqué le conseil des sages ( la Jemâa, les ourouchs, ) pour rendre un jugement collectif conforme aux préceptes coraniques et à nos valeurs. Le lynchage n’est ni dans nos traditions ni dans nos mœurs. C’est l’illustration la plus éloquente de notre ignorance. Que dit le Coran ?

« Que l’aversion que vous ressentez pour certaines personnes ne vous incite pas à commettre des injustices ». Coran 5/8

« Ne vous fiez pas à vos impulsions au détriment de l’équité ». Coran 4/135

« Un paradis aussi vaste que les Cieux et la Terre sera destiné à ceux …qui savent réprimer leur colère et pardonner à leurs semblables ». Coran 3/133, 134

Quant à la justice des hommes, il est inutile de rappeler qu’elle doit être conforme aux lois votées démocratiquement par les hommes qui ont confié à leurs représentants la mission de veiller à leur application de la manière la plus stricte. En clair cela signifie que nous avons totalement échoué en la matière et qu’il faut tout reprendre à zéro, depuis la maternelle.

Et quand on n’obéit ni à la loi de Dieu ni à celle de la démocratie, on laisse aller ses instincts bestiaux et on montre ce qu’il y a de plus hideux en nous. Chacun des hommes qui était témoin de cette barbarie est complice à des degrés divers, dont le moindre n’est pas d’avoir cautionné par sa présence et son silence la tentative de mise à mort d’un homme, quel que fut son forfait. Un hadih dit : « Celui qui assiste à une injustice humaine ( mounkar ), doit essayer d’y remédier, soit par le geste, soit par la parole, ou alors par l’intention et ce serait là, la manifestation la plus élémentaire de la foi ».

On n’a pas vu surgir un seul imam pour dénoncer le blasphème.

On n’a pas entendu la sirène d’un officiel accouru pour rappeler la loi.

En définitive, nous n’avons jamais vraiment quitté le moyen-âge et il ne sert à rien de continuer à être ridicule en critiquant les mœurs des autres pays et à dénoncer la barbarie des autres. Personne n’aurait parié qu’on assisterait chez nousun jour à une scène d’une telle barbarie. La foule a lynché un homme et appelé à sa mise à mort.

Même dans les chasses à courre les chiens sont dressés pour débusquer le renard mais le laisser indemne.

Personne ne peut imaginer non plus, que les représentants de la loi ne soient pas respectés, et on se demande encore pourquoi on n’a pas détaché le pauvre homme pour lui épargner des souffrances inutiles et le confier aux représentants de la loi. Tous les conciliabules se sont déroulés sous les cris de souffrances du supplicié, devant une foule chauffée à blanc. C’était comme aux temps des jeux de cirque, quand les romains suppliaient Néron de baisser le pouce pour achever le gladiateur. Les policiers étaient mêlés aux bourreaux. Personne ne s’occupait du supplicié. Néron n’était pas là.

Non ! ce n’était pas le peuple. C’était la foule.

Et quand on sait que « le peuple a toujours raison, mais que la foule a toujours tort », on se dit qu’il n’est pas trop tard pour sauver nos enfants, puisque pour nous, il est déjà trop tard.

Aziz Benyahia
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