Le Collectif d’Alger, Barkana Mel 3onf, qui lutte contre la violence faite aux femmes, a appelé les jeunes artistes algérois à se rassembler samedi après-midi Place de la Grande Poste. Un spectacle de rue comme il en manque à Alger, et dont le succès montre que la jeunesse algérienne a de l’énergie à revendre.
Vers 13h30 Place de la Grande Poste, quelques timides accords de guitare résonnent déjà dans l’amphithéâtre bordant l’ancien centre commercial. Mais les premiers algérois venus à l’appel du Collectif Barkana Mel 3onf se regardent encore en chien de faïence, chaque groupe jouant dans son coin, assis sur les marches de la cuvette en pierre.
Malgré le manque d’organisation, l’afflux de tous ces jeunes dans l’amphithéâtre montre l’intérêt que suscite un tel événement, si rare à Alger. « Ce spectacle de rue inaugure la campagne internationale de lutte contre les violences faites aux femmes » explique Nassima Guettal, du collectif organisateur, Barkana Mel 3onf. Une campagne annuelle lancée en 2007 par l’Association Féministe pour l’épanouissement de la personne et l’exercice de la citoyenneté (AFEPEC), active dans plusieurs wilayas du pays, comme Oran, Sidi Bel Abbès, Mostaganem, Bejaia, etc.
Mais au-delà de cette campagne, les jeunes algérois présents ce samedi après-midi gris et suffocant sont surtout venus partager un moment de détente et de musique. Gnawi, flamenco, variété, pop-rock : les styles musicaux étaient aussi variés que le public venu assister à ce spectacle hétéroclite. « Je crois que c’est la première fois qu’autant de groupes de musique vont jouer ensemble de façon spontanée » s’enthousiasme Nassima Guettal. « Le simple fait de pouvoir organiser un spectacle de rue comme celui là est très encourageant. Avant on avait toujours des problèmes avec l’APC » témoigne cette militante associative.
« Oui, c’est un signe encourageant dans une ville où l’on vous embarque pour avoir sorti une guitare sur la voie publique ! » ironise un des musiciens de NR2, un duo de guitariste présent cette après-midi. Une remarque qui illustre bien la résignation et la méfiance d’une jeunesse qui manque de lieu et de moyens pour s’exprimer. « C’est dur d’être musicien en Algérie » témoigne les musiciens de Nesma, un groupe de flamenco algérois. « C’est pas comme en France ou ailleurs. Ici, si tu joues pas du rai, tu ne gagnes pas d’argent avec ta musique » déplorent-ils. « On manque cruellement de moyens. Je n’ai même pas ma propre guitare » confie un jeune en survêtement, venu aujourd’hui pour partager cette après-midi avec ses amis musiciens.
La nouvelle équipe tente pourtant de faire entendre un autre son de cloche. Présent au rassemblement, le vice-président chargé du sport et de la jeunesse, Ahmed Aouane, assure vouloir promouvoir les jeunes talents et réinvestir culturellement les rues d’Alger. « Toute initiative est la bienvenue. J’appelle tous les jeunes qui ont des idées ou des projets à venir nous voir à l’APC » assure-t-il. « Le rassemblement musical d’aujourd’hui n’est qu’un début, je vous promets de grandes choses ! Alger était une ville très dynamique dans les années 70, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Mais nous allons travailler pour permettre aux algérois et surtout aux jeunes de réinvestir l’espace public ».