Comprendre l’essence de la crise d’octobre 2008 et les perspectives de l’économie mondiale 2013/2014

Redaction

Il est utile au préalable de résumer l’origine de la crise des prêts hypothécaires où des titres ont été adossés qu’à des entrées virtuelles, qui s’est faite en en cinq étapes :

1- Crise des prêts hypothécaires d’août 2007 et perspectives de l’économie mondiale

a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ;

b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30 % par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90 % des sommes nécessaires ;

c- retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer ;

d-crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker, elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan, mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et cette situation paralyse le marché inter- bancaire, les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ;

e- intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités, les actifs toxiques continuant de produire leurs effets comme en témoigne la récente semi -faillite immobilière d’Abu Dhabi démontrant que les ondes de chocs ne sont pas encore terminés.

Qu’en est-il des perspectives de l’économie mondiale ?

Dans son rapport publié courant janvier 2010, la banque mondiale ( BM) note que le pire de la crise financière est derrière nous et la reprise économique mondiale est en cours, mais que cette reprise est fragile, l’ampleur globale de la reprise et sa durabilité dépendant du redressement de la demande des ménages et des entreprises sur les prochains trimestres 2010/2011.

Selon le scénario de base de la BM, la croissance mondiale devrait atteindre 2,7 % en 2010 et 3,2 % en 2011 après s’être contractée de 2,2 % en 2009.Les hausses les plus marquées sont à signaler dans les pays en développement d’Asie de l’Est, reflétant, du moins en partie, le programme de relance de 4 000 milliards de yuans (soit 12 % du PIB) mis en place par les autorités chinoises jusqu’en 2010 (au titre duquel environ la moitié des dépenses ont déjà été réalisées). Selon la BM, on ne peut cependant pas exclure l’hypothèse d’une rechute en 2011, s’il advenait que la dépense publique se ralentisse et que la croissance ne soit pas reprise par l’entreprise privée, la croissance dans ce cas devant ralentir au second semestre 2010 à mesure de l’atténuation de l’impact des mesures de relance budgétaires et monétaires sur la croissance et de la fin du cycle des stocks actuel. Certes, après leur stabilisation les marchés financiers se redressent mais ils restent affaiblis.

La liquidité interbancaire, telle que mesurée par l’écart entre les taux d’intérêt appliqués entre banques et ceux dont elles doivent s’acquitter auprès des banques centrales, a reculé d’un sommet historique de 366 points de base sur les marchés en dollars à moins de 15 points de base. Aussi, face à cette situation la reprise pour 2010 sera relativement molle, malgré les dernières statistiques du 02 février 2009 des USA, et une reprise beaucoup plus dynamique de la Chine que prévue, mais qui risque d’être ralentie avec les dernières mesures depuis décembre 2009 à ce jour, de restriction de crédit décidées par la banque centrale de Chine afin d ‘éviter une surchauffe de l’économie( prévision de 9% en 2010 de taux de croissance), pour preuve, la faible reprise de la sphère réelle, le nombre de sans-emplois dans le monde ayant atteint près de 212 millions en 2009, en raison d’une hausse sans précédent de 34 millions par rapport à 2007, à la veille de la crise économique mondiale, a annoncé le Bureau international du Travail (BIT) dans son rapport annuel sur les tendances mondiales de l’emploi publié fin janvier 2010.

S’appuyant sur les prévisions économiques du FMI, le BIT estime que le chômage devrait rester élevé en 2010, notamment dans les économies développées et l’Union européenne où un surcroît de 3 millions de personnes pourrait grossir les rangs des chômeurs en 2010. En outre, le nombre de jeunes au chômage a augmenté de 10,2 millions entre 2007 et 2009, soit la plus forte hausse enregistrée depuis au moins 1991.

Le rapport souligne que, même si les mesures de relance coordonnées semblent avoir éviter une catastrophe économique et sociale bien plus grave, des millions de personnes de par le monde sont toujours privées d’emploi, d’allocation chômage ou de toute autre forme viable de protection sociale. Pour le BIT, la proportion de travailleurs en situation d’emploi vulnérable dans le monde est évaluée à plus de 1,5 milliard, soit plus de la moitié (50,6 %) de la main-d’œuvre mondiale. Et ce nombre est susceptible d’avoir augmenté de plus de 100 millions entre 2008 et 2009.

Le rapport indique également que 633 millions de travailleurs et leurs familles vivaient avec moins de 1,25 dollar par jour en 2008, avec pas moins de 215 millions d’autres travailleurs vivant à la limite et courent le risque de tomber dans la pauvreté en 2009. Ainsi, le taux de chômage mondial a atteint 6,6 % en 2009, en hausse de 0,9 point de pourcentage par rapport à 2007. Cependant, il diffère considérablement selon les régions.

Or qui dit chômage seul indicateur de la reprise de la sphère réelle, dit baisse de la demande solvable qui se répercute sur le niveau de l’appareil de production et l’Espagne le pays le plus frappé de l’Europe avec près de 20% du taux de chômage est un exemple significatif. C’est pourquoi, le Forum de Davos a clôturé le 31 janvier 2010 dans une ambiance loin d’être euphorique, car si la croissance est légèrement repartie, les problèmes budgétaires d’Etats comme la Grèce suscitent beaucoup d’inquiétudes, tandis que le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a prévenu lors de ce forum que le rétablissement le rétablissement du système financier sur des bases plus saines et des finances publiques serait l’un des principaux problèmes pour l’économie mondiale et qu’il fallait rester prudent.

Avis partagé par M. Neil Barofsky, inspecteur indépendant du plan public de sauvetage de la finance aux États-Unis qui a affirmé, dans un rapport publié dans le Waal Street Journal du 31 janvier 2010, qu’une nouvelle crise financière restait possible, sauf réforme importante du système financier américain, étant donné sa faiblesse et les risques qu’il prend,analyse reprise la banque mondiale qui dans son dernier rapport 2010, note « qu’on ne peut malheureusement pas s’attendre à une reprise miraculeuse après une crise aussi grave, car il faudra des années pour reconstruire les économies et redresser la situation de l’emploi.

Dans cette situation toujours précaire, il faudra des années pour éponger les pertes économiques déjà essuyées ». Comme ce rapport insiste, sur un facteur déterminant pour le tiers monde qu’au cours des 5 à 10 prochaines années, du fait de l’aversion accrue pour le risque, une réglementation plus prudente et la nécessité d’adopter des pratiques de prêt moins libérales que pendant la période d’expansion qui a précédé la crise se traduiront probablement par une raréfaction et un renchérissement des capitaux destinés aux pays en développement. Toutes les formes de financement étant affectées par la crise, les sociétés mères seront moins en mesure de financer le développement de nouveaux produits car leurs coûts d’équipement vont augmenter. On s’attend donc à une baisse des apports d’IDE qui avaient atteint 3,9 % du PIB des pays en développement en 2007, à 2,8 ou 3 % environ de leur PIB à moyen terme. « Bien que les pays en développement ne puissent pas échapper aux conséquences d’un resserrement de la conjoncture financière internationale, ils peuvent et doivent réduire le coût de leurs emprunts et promouvoir les marchés financiers locaux en développant les centres financiers régionaux et en améliorant la concurrence et la réglementation dans leur secteur bancaire », précise Hans Timmer, directeur du Groupe des perspectives de développement à la Banque mondiale dans ce présent rapport.

Il s’ensuit que la crise économique et financière qui est loin d’être terminée va durablement peser sur la croissance mondiale et la demande intérieure des pays émergents reste trop faible pour compenser la récession des pays développés, selon une étude de l’assureur- crédit Euler Hermes SFAC publiée le 11juin 2009. Je cite : « le PIB mondial, au mieux stabilisé au niveau de 2006-2007 en 2010, ne retrouvera qu’une croissance modérée à moyen terme.

Depuis dix ans, la dynamique mondiale a été portée par la demande des pays de l’OCDE, poussée par le crédit, et cette demande était aussi le moteur extérieur des pays émergents, leur demande intérieure, encore trop faible, ne pouvant pas servir de locomotive de la croissance mondiale à ce stade ». Aussi selon cette étude, la croissance mondiale devrait rester inférieure à sa tendance de 4% pendant quelques années pour revenir à l’équilibre. Dans la même lignée, dans un rapport, publié le 2 juin 2009 à Londres, le Centre for Economics and Business Research ( CEBR) indique que l’Alena (Canada, États-Unis, Mexique) et l’Union européenne ne parviennent plus à produire la majorité du PNB mondial.

La communauté transatlantique représentait 60 à 64 % de l’économie mondiale à son apogée, dans la période 1995-2004. Elle ne représentera que 49,4 % en 2009. La chute devrait se poursuivre, pour tomber à 45 % en 2012. Avis partagé la déclaration en date du 5 juin 2009 du président russe Dmitri Medvedev, lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg qui pense que la crise financière et économique internationale provoquera un « reformatage » du monde et modifiera le peloton de tête du développement économique. « En fin de compte, les leaders du développement économique changeront, tout comme le modèle de comportement dans la sphère économique et les modes de fonctionnement des marchés économiques. Il est vrai, les nouveaux modèles qui verront le jour au cours des prochaines années, devront prouver leur efficacité ». Ce d’autant plus qu’il y a risque de bulles budgétaires dans les prochaines années.

2- Risque de conjonction de bulles financières et de bulles budgétaires 2013/2015

Le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke déclare ( Reuters 03 juin 2009) que l’augmentation de la dette américaine contribue à faire monter les taux d’intérêt à long terme et qu’il est temps de commencer à travailler aux moyens permettant de réduire les déficits, rejoint par la présidente de la Banque de Réserve fédérale de Cleveland, Sandra Pianalto, à l’occasion d’une conférence devant des investisseurs et chefs d’entreprise le 8 juin 2009.Je cite : « l ‘Etat américain, confronté à un important déséquilibre budgétaire, ne pourra pas poursuivre indéfiniment son soutien à l’économie. Il n’est ni possible ni souhaitable que les dépenses fédérales se maintiennent à un niveau aussi élevé ». Car la commission du Budget du Congrès américain évalue à 1.800 milliards de dollars le déficit de l’Etat fédéral en 2009 et le déséquilibre budgétaire considérable du pays impose un certain nombre de mesures difficiles en matière de politique budgétaire. Mais cela n’est pas propre aux USA comme en témoigne l’explosion des déficits budgétaires pour l’ensemble des pays européens sans compter les déficits des pays émergents. La reprise permettra t- elle d’absorber cette importante injection monétaire sans précédent dans l’histoire du capitalisme comme le postule la théorie keynésienne raisonnant au sein de structures élastiques et d’Etats Nations (relance de la demande globale, consommation et investissement) ?

Le blocage n’est –il pas mondial (fait nouveau -interdépendance des économies), donc d’ordre structurel, la solution ne pouvant qu’être globale et le risque n’est-il pas de s’orienter vers un retour rapide à l’inflation à l’échelle planétaire, mais fait nouveau, conséquence à la fois de la combinaison cette fois de bulles financières et de bulles budgétaires et l’expérience récente de la Grèce en faillite devrait être méditée: à titre d’exemple, selon le dernier rapport du Ministère français de l’économie, le déficit public pour 2009 en France a atteint 140 milliards d’euros, soit 8,2% du PIB, contre 7,5% prévu jusque-là étant donc loin de la rigueur du traité européen qui le plafonnait à 3% du produit intérieur brut et cela n’et pas propre à la France puisque un pays connu pour sa rigueur budgétaire, l’Allemagne, est dans la même situation.

C’est dans ce sens que les avertissements adressés aux banques centrales par la chancelière allemande Angela Merkel, les alertant contre le danger d’une politique inflationniste et surtout l’intervention de Jacques Attali,économiste et expert mondial connu, connaissant fort bien le fonctionnement du système monétaire international, montent des signes d’inquiétudes qui contrastent avec les déclarations rassurantes de bon nombre de dirigeants. Pour Jacques Attali devant le Forum international économique et financier (FIEF),en avril 2009 à Paris, le danger d’une hyperinflation semblable à celle de l’Allemagne en 1923 est réel .

Je cite Attali : « le scénario du pire est vraisemblable, celui d’une grave dépression et d’une inflation importante. Je le dis comme je le pense : le monde n’est pas loin de s’engager sur le chemin d’un Weimar planétaire. Si le pire n’est pas certain, il n’en demeure que le scénario du pire est le plus probable ». Aussi la question centrale est la suivante : a- t- on tiré toutes les leçons de la crise des prêts hypothécaires d’août 2007 ? Comme le note avec pertinence l’économiste Jean Marc Vittori dans le financier français les Echos en date du 10 juin 2009, « …. il flotte comme un étrange parfum d’irréalité. Alors que le monde entier affronte une profonde récession après avoir encaissé un choc financier colossal, tout se passe comme si la page avait déjà été tournée. Même s’il serait plus agréable de proclamer que la crise est finie, force est de constater qu’elle ne fait que commencer. La dette fait des trous partout, dans les comptes des entreprises, des particuliers, des Etats. Nous nous comportons comme un malade qui sortirait de l’hôpital juste après avoir réchappé d’un infarctus, sans avoir changé ni son régime alimentaire ni son mode de vie, sans même avoir fait les examens nécessaires pour vérifier qu’il ne court plus de risque à court terme. Nous n’avons pas tiré les leçons de la crise. Au risque de subir très vite un choc encore plus grand ». Car les gouvernements n’ont pas voulu examiner les origines de la crise, et d’autre part, ils ne sont pas prêts à renoncer aux « instruments financiers novateurs (LBO, dérivés, titrisations, etc., qui sont en partie à l’origine de la crise ».

Ce retour aux parachutes dorés est mis en relief par Günther Bräunig, membre du conseil de la Banque de reconstruction allemande (KfW), lors d’une conférence sur la finance à Francfort, le 06 juin 2009, les banques recommençant à nouveau offrir des titrisations, c’est-à-dire la vente d’obligations de crédit ou des risques qui leur sont liés, tout en faisant miroiter de fortes rémunérations, qui ne sont offertes que sur les marchés à très haut risque.

Aussi sommes nous dans un cercle vicieux dans la mesure où les banques centrales (FED, BCE, banque d’Angleterre notamment ) au lieu de permettre aux banques de prêter de l’argent à l’économie, dont des secteurs dynamisant du futur, prêtent directement aux entreprises en difficulté, ce qui risquent d’accélérer le déclin de la sphère réelle ,tout en poussant à des besoins énormes de financement. D’où l’hypothèse irréaliste, selon mon point de vue, du moins durant la période 2010/2020, de penser que la Chine avec un produit intérieur brut ( PIB) légèrement supérieur à l’Allemagne, avec la somme modique de 2000 milliards de dollars de réserves de change, alors qu’il faille diviser le PIB sur la population totale pour analyser objectivement la productivité et la demande solvable malgré un important marché intérieur, permettront de suppléer à ce besoin immense de financement.

La forte injection monétaire en Chine pour dynamiser le marché intérieur ne risque t- elle pas également d’aboutir à un processus inflationniste à terme, du fait de la récession des exportations qui ont certes atteint en 2008 plus de 1400 milliards de dollars (derrière l’Allemagne premier exportateur mondial plus de 1500 milliards de dollars ) expliquant les mesures récentes de restrictions du crédit et la poussant à une dépréciation continuelle de sa monnaie pour soutenir ses exportations, ce qui explique les tensions avec les USA et l’Europe qui la poussent, au contraire, à la réévaluation ?

Le problème donc du déficit cumulé avec le manque de régulation bancaire au niveau mondial est sérieux. Ne risque t- on pas d’aller vers un effet de boule de neige en accroissant l’endettement mondial et notamment américaine sachant que selon certains analystes, l’atténuation de ce retour à l‘inflation mondiale ne peut provenir que d’une distorsion des biens salaires entre les pays dits développés et les pays émergents dont la Chine, le Brésil et l’Inde supposant donc plus d‘ouverture économique des pays développés et donc des respécialisations au niveau mondial rivant les pays émergents et certains pays du tiers monde dans la production de biens salaires à bas prix à destination des pays développés. Allons-nous dans cette tendance alors que les exigences supposent une élévation des niveaux et genre de vie de l’ensemble de la zone Sud ?

Comme cette situation de l’endettement excessif notamment américain a des effets sur la cotation du dollar et sa volatilité, facteur important pour la majorité des pays dont le cours des matières premières et les réserves d e change sont libellés en dollars. Cette donnée stratégique ayant un impact sur les balances de paiement de bon nombre de pays du Tiers monde implique d’analyser sérieusement le duo de la stratégie américano-chinoise face à la dépréciation du dollar et de se poser cette question : stratégie convergente ou divergente américano- chinoise, car selon certains analystes en cas de persistance de la crise, « le capitalisme américain pourrait avoir raison du communisme chinois ».

3- Stratégie américano- chinoise face à la cotation du dollar, un facteur déterminant pour la balance de paiement de l’Afrique

La cotation du dollar par rapport à l’euro qui fluctue depuis des mois entre de 1,39 et 1,5o, encore que le manque de clarté de la politique économique de l’Europe avec le cas de la Grèce a permis une appréciation récente relative ( 1,35 dollar un euro au mois de février 2010) , cette politique de dépréciation du dollar correspondant à une politique volontaire de baisse du dollar afin d’essayer de réduire le déficit commercial et de limiter la valeur réelle de leur endettement mondial libellé en dollars. Car, la remontée du dollar face aux principales monnaies mondiales, supposerait une forte hausse des taux d’intérêts de la Fed et une baisse de la création monétaire, en contradiction avec le programme du nouveau président US dans la mesure où toute appréciation aurait pour conséquence le frein du marché immobilier (crédits inabordables du fait d’une hausse des intérêts sur les ménages endettés à taux variables), la consommation américaine pouvant être freinée avec le risque d’accélération des faillites des entreprises.

Selon Hélène Rey professeur à la London Business School dans une contribution aux échos parisien le 22 mai 2009, avant 1971, date à laquelle ou existait une relations directe entre la parité du dollar et le stock d’or (parité fixe contenu dans les accords de Breeton Woods) cette parité ayant été remplacée par des taux de change flexible par la suite , les investissements américains à l’étranger étaient d’environ 10 % du PIB des Etats-Unis, prêtant au reste du monde, sa position extérieure n’excédait pas 4 % du PIB et les avoirs et dettes externes des Etats-Unis ne dépassent pas 15 % du PIB américain .

Avec la crise des prêts hypothécaires d’août 2007, les actifs étrangers détenus par les Etats-Unis s’élevaient à 122 % de leur PIB en actifs étrangers et leur dette au reste du monde à 135 %. L’endettement net extérieur de 13 % du PIB, ceci étant la résultante des déficits de la balance commerciale américaine accumulés depuis les années 1980. A titre de rappel, pour l’exercice 2010, le gouvernement des Etats Unis américain a présenté un budget de 3 552 milliards de dollars reposant sur un déficit record de 1 750 milliards de dollars en 2009 (12,3 % du PIB, cinq fois le budget annuel de la France).

Au déficit budgétaire de 2009, s’ajouteront les déficits de 2010 et 2011, chacun autour de 1000 milliards de dollars. Pour cette période triennale, le besoin en financement approcherait 3 000 milliards de dollars. Comme le note avec pertinence Hélène Rey je cite «les Etats-Unis d’avant la crise ressemblent à une banque d’investissement qui se finance massivement en émettant de la dette et investit de façon colossale en actifs risques étrangers (stocks, investissements directs).

Ce faisant, les Etats-Unis obtiennent un rendement élevé sur leurs actifs et se refinancent à bas pris sur le marché de la dette, ayant profité de l’engouement mondial pour les bons du Trésor américain. Ils encaissent ainsi la différence de rendements. Mais lorsque les prix des actifs et de la dette deviennent volatils, la valeur du portefeuille externe des Etats-Unis devient encore plus volatile en raison de l’effet de levier. C’est exactement ce qui se passe dans la crise actuelle ».

Aussi, l’apparence ne doit pas faire illusion. La résistance relative, malgré le dérapage actuel, du dollar face à l’euro est liée à la liquidation par les investisseurs américains de leurs positions sur les marchés financiers internationaux et à la politique monétaire chinoise. En effet, pour le premier cas, les agents privés ont vendu massivement les actifs qu’ils détenaient à l’étranger. Concernant les bons de trésor représentant environ 45 % de la dette totale externe des Etats-Unis, ils sont concentrés surtout au niveau de la banque centrale de Chine. Au mois de juin 2009, sur 2000 milliards de dollars de réserves de change chinois dont une grande partie grande libellée en dollars, la Chine détient 712 milliards de dollars de bons du Trésor (selon les statistiques américaines).

Malgré certaines déclarations contre l’hégémonie du dollar, la Chine continue à être un gros acheteur de bons du Trésor. Ainsi, la crise a rendu de facto l’économie américaine encore plus dépendante de la Chine des Etats Unis et la Chine plus dépendante des USA car toute contraction de la demande affecte les exportations chinoises. Mais est ce que cette situation pourra continuer à l’avenir ? Tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats-Unis et tout le problème est le suivant, les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis ?

Comme impact de cette dépréciation du dollar, le président brésilien estime que son pays et la Chine vont parvenir à avoir des échanges bilatéraux dans leurs monnaies respectives, sans passer par le dollar, une réunion des Banques centrales des deux pays étant prévu à ce sujet selon la déclaration de Luiz Inacio Lula da Silva le 19 mai 2009 à Pékin, rapporté par China Daily. Mais paradoxalement si la Chine suspend l’achat de bons du Trésor, la valeur de ses avoirs libellés en dollars baissera fortement affectant par ricochet sa situation économique et donc sur les exportations chinoises.

Cependant affectée par la crise mondiale, la marge de manœuvre de la Chine s’amoindrit. En effet, la Chine connaît un déficit budgétaire de 750 milliards de yuan ($109 Md) en 2009 contre 570 milliards yuan ($83 Md) en 2008, du fait d de l’important plan de relance par la dépense publique. Qu’en sera t-il si la dépréciation du dollar devait continuer dans le temps et l’achat récent des droits de tirages spéciaux (DTS) émis par le FMI par la Chine mais également par l’Inde, n’inaugure t –elle pas un changement de la politique monétaire en rappelant que valeur du DTS a été fixée initialement à 0,888671 gramme d’or fin, ce qui correspondait alors à un dollar EU et qu’ après l’effondrement du système de Bretton Woods, en 1973, la valeur du DTS a été déterminée par rapport à un panier de monnaies, qui comprend actuellement le dollar EU, l’euro, la livre sterling et le yen, représentant donc une valeur d’un panier de monnaies , le dollar avec seulement 41% et les autres monnaies 59%. Mais il faut être réaliste. , le dollar certes, s’étant déprécié par rapport à l’année 2000 de plus de 50%, mais continue toujours d’être la monnaie internationale de référence des transactions mondiales plus de 60%, bien qu’en diminution en valeur relative, et à court terme il est utopique de prédire son remplacement.

4- Les limites des politiques monétaires classiques

Face à cette situation paradoxale, il y a de moins de marges manœuvres des politiques monétaires les taux d’intérêts directeurs de la FED, de la banque d’Angleterre, de la banque européenne ou elle du Japon se rapprochant de zéro posant d’ailleurs le problème de la rentabilité des bons de trésor américain ou des autres pays occidentaux autres, les politiques budgétaires ayant pris le relais.

Concernant, le crash financier, le problème fondamental est le suivant : qui va payer, lorsque les créances spéculatives au niveau international dépassent de 5 à 6 fois l’addition des Produits nationaux bruts des Etats du monde, dans la mesure où depuis que le monde est monde, toute dette est exigible ?

Dans une récente intervention, l’ancien Premier ministre, Michel Rocard, lors d’une table ronde du Colloque Nouveau monde, Nouveau capitalisme, organisé le 8 janvier 2009 à Paris par le président Nicolas Sarkozy et l’ex premier ministre britannique Tony Blair, préconise « l’organisation programmée d’une banqueroute contrôlée et de revenir au multilatéralisme » notamment de la part du nouveau gouvernement américain qui n’aurait pas d’autre choix n raison de l’endettement de l’économie.

Dans ce contexte, il a évoqué la nécessité de revenir à des taux de change fixes, soulignant combien les changements brusques provoqués par les taux de change flottants, avaient été l’une des causes de la fuite en avant des intérêts économiques dans les instruments financiers, la Chine, l’Inde, l’Europe et les Etats-Unis devant assurer les conditions de la stabilité du change dans l’avenir. Mais est ce possible, sans la fin de la suprématie du dollar et la création d’organismes supranationaux de régulation de l’économie mondiale et la moralisation du capitalisme ? D’où d’ailleurs cette montée en puissance de la finance islamique dont les actifs des 100 plus grandes banques islamiques mondiales ont enregistré une augmentation de l’ordre de 66% en 2008, par rapport à 2007, selon une enquête de The Asian Banker, de décembre 2008 précisant que ces établissements financiers et banques détenaient 405 milliards d’euros d’actifs à fin 2008 soit plus de 560 milliards de dollars, le secteur bancaire islamique représentant un marché potentiel de 2.700 milliards de dollars, cela s’expliquant par la hausse du prix du baril de pétrole, qui a alimenté les fonds souverains de la région des pays du Golfe et leurs besoins d’investissement. Le cabinet Standard & Poor’s est plus optimiste et évalue le potentiel du marché bancaire islamique à 4.200 milliards de dollars (2.900 milliards d’euros) soit deux fois les réserves chinoises, objet de toutes les convoitises.

Conclusion générale

Les pronostics sur les perspectives de l’économie mondiale sont prudentes, voire parfois contradictoires, mais toutes évitent l’euphorie car l’on ne s’est pas attaqué aux fondamentaux de l’essence de la crise. Par exemple pour le professeur Krugman qui a obtenu, en 2008, le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur le libre échange et la mondialisation qui a estimé, le 10 août 2009 à Kuala Lampur (Malaisie) dans un discours qu’il a prononcé devant un forum international des chefs d’entreprise « le monde a échappé à une grande dépression mais cela va prendre au moins deux ans minimum sinon plus ( soit 2013 au minimum) avant que l’économie mondiale ne se redresse totalement sous réserve de thérapeutiques efficaces ce qui n’est pas évident et que même si le pire de la crise financière soit passé, le monde fait face maintenant à un ralentissement économique durable ». Et à une question posée, il affirmera humblement que les gouvernants et les économistes sont désemparés faute d’un nouveau modèle tenant compte de la complexité du monde actuel, loin du modèle keynésien qui a fait les politiques de bon nombre de pays au lendemain de la seconde guerre mondiale. Tout d’abord la théorie keynésienne raisonne en économie fermée.

À l’heure actuelle, l’internationalisation croissante des économies constitue une sérieuse limite au modèle. Par ailleurs, à la lumière de l’expérience de bon nombre de pays du tiers monde, ce modèle est difficilement transposable en pays en voie de développement du fait de la faiblesse de la production locale, cet octroi de crédits cela dynamisant les importations et donc créant des tensions au niveau de la balance des paiements. Lié à cet aspect, c’est un modèle de court terme, l’Etat n’intervenant que transitoirement en période de crise donc se situant dans le cadre d’actions conjoncturelles (postulant l’élasticité des facteurs de production, équipement, travail notamment) et non structurelles notamment dans les pays en voie de développement qui souffre d’une rigidité structurelle de l’offre et non de la demande .

En résumé, avec la crise actuelle qui est une crise systémique du capitalisme enclenchée par la crise du crédit (économie de l’endettement) et les premières conséquences économiques et sociales ne cessent de se faire sentir, nous avons besoin d’un modèle dynamique à moyen et long terme tenant compte de l’interdépendance des économies, du nouveau défi écologique et de l’urgence de réduire cette dualité insupportable entre le Nord et le Sud, la responsabilité étant partagée, la gouvernance de bon nombre de dirigeants du tiers monde étant la plus discutable. Car, la crise ne peut qu’engendrer la violence et des régimes totalitaires, existant des relations dialectiques ente la crise financière, la crise économique, la crise sociale et la crise politique : la crise de 1929 n’a-t-elle pas permis à deux hommes, qui ont plongé le monde dans une guerre effroyable, de parvenir au pouvoir : Hitler et Mussolini ? Car toute crise engendre des dictatures.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL Professeur d’Université en management stratégique.

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